Récession. Le mot intrigue les profanes et donne de l'urticaire aux initiés. Mauvaise nouvelle, la voilà de retour.

Récession. Le mot intrigue les profanes et donne de l'urticaire aux initiés. Mauvaise nouvelle, la voilà de retour.

En ce début de 2008, son spectre apparaît sur les écrans radars d'importants financiers américains. Rien de bien rassurant pour nos exportateurs.

Le mot n'a que trois petites syllabes. Pourtant, la seule évocation d'une récession fait trembler les Américains. Pour les rassurer, le président de la Réserve fédérale s'est dit prêt, hier, à redonner de l'oxygène à la plus grande économie de la planète.

Dans un discours prononcé à Washington, Ben Bernanke a indiqué qu'il est prêt à abaisser les taux d'intérêt pour relancer l'économie de notre principal marché d'exportation.

«Au vu des récents changements de perspectives économiques et des risques pour la croissance, des mesures de baisse des taux supplémentaires pourraient bien être nécessaires.»

Le président de la Fed, qui a utilisé des termes particulièrement clairs, s'est bien gardé de parler de récession. Il a même souligné qu'il n'en prévoyait pas «pour le moment».

D'autres, par contre, n'hésitent plus à en parler. La grande banque d'investissement Goldman Sachs estime que les États-Unis sont en train d'entrer en récession, s'ils ne le sont pas déjà.

Deux jours plus tôt, c'était un autre grand joueur, Merrill Lynch, qui concluait que la récession était «une réalité actuellement».

Ce qui inquiète tant Goldman Sachs: le consommateur américain qui a l'habitude de faire rouler l'économie mondiale avec sa carte de crédit. L'éclatement de la bulle immobilière pourrait le rendre suffisamment frileux pour qu'il se mette à réduire ses dépenses.

Il a vu le prix de son principal avoir, sa maison, baisser en moyenne de 7% par rapport à son sommet. Et la baisse devrait se poursuivre.

Les paroles de M. Bernanke ont été accueillies hier après-midi par un grand soupir de soulagement de la part des investisseurs, qui ont le moral à terre. Ils se sont remis en mode achat et les Bourses de New York et Toronto ont terminé en hausse.

Tout le monde ne prévoit pas de récession américaine, mais même les plus optimistes y constatent un ralentissement important.

Dans une note qui sera publiée dans les prochains jours, François Dupuis et son équipe des Études économiques Desjardins estiment à 40% les risques de récession aux États-Unis.

«C'est sûr qu'on est dans une zone fortement à risques», explique-t-il, précisant que la récession est encore évitable.

Pour ce qui est du risque qu'une éventuelle récession au sud en entraîne une au Canada, il l'estime à 15%. Les économies québécoises et ontariennes sont plus vulnérables: son modèle y estime les risques de récession à 25%.

«Le contexte s'est passablement assombri pour l'économie du Québec, soutiennent les économistes de Desjardins. L'année 2008 sera encore plus difficile à traverser pour les entreprises exportatrices.»

À la Banque Royale, on rendra publique aujourd'hui une étude qui ne prévoit pas de récession aux États-Unis. On parlera plutôt de ralentissement avec un impact canadien.

«Je pense que la Banque du Canada va vouloir tout mettre en place pour éviter que l'économie ralentisse de façon trop marquée», explique l'économiste Jimmy Jean, de la Royale.

La plus grande banque du pays estime maintenant que la Banque centrale réduira son taux directeur de 75 points pour le ramener à 3,5% d'ici le milieu de l'année. Celui-ci devrait ensuite remonter légèrement, après une reprise de la croissance.

Ils ont dit...David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le 6 décembre 2007.

«Les difficultés qu'éprouvent les marchés financiers mondiaux, liés à l'évaluation des produits structurés et aux pertes anticipées sur les prêts hypothécaires à risque aux États-Unis, se sont aggravés depuis la mi-octobre. Ces difficultés devraient persister plus longtemps qu'on ne l'avait d'abord prévu.»

Stephen Harper, le premier ministre du Canada, le 22 décembre 2007, lors d'une entrevue au réseau CTV.

«Je crois que 2008 sera vraisemblablement une année difficile au chapitre de l'économie. L'économie n'a jamais été aussi forte qu'au cours de la dernière année. Nous avons connu une croissance soutenue dans la plupart des régions du pays. Mais il est impossible de s'immuniser complètement contre ce qui se passe aux États-Unis ou dans l'économie mondiale.»

Analyse de l'ONU rendue publique mercredi.

«Il existe un réel danger que l'économie mondiale soit paralysée. L'effet domino que causerait une récession aux États-Unis ralentirait l'augmentation des importations venant de Chine, d'Europe et du Japon. Par conséquent, ces pays réduiraient leurs exportations vers les pays en voie de développement.»