C'était novembre 1976. Le 25 pour être plus précis. La même journée que René Lévesque prêtait serment comme premier ministre du Québec.

C'était novembre 1976. Le 25 pour être plus précis. La même journée que René Lévesque prêtait serment comme premier ministre du Québec.

Le lendemain, La Presse -qui se vendait 25 cents- titre à la une de sa section Économie: «Le dollar canadien au pair avec le dollar US». Manchette semblable à celle de ce matin, sauf que le huard, qui valait alors 1,0004 $ US, venait de prendre la pente inverse, vers le bas. Et pendant 31 ans, le dollar canadien aura valu moins que le billet vert.

C'est l'image populaire que plusieurs ont gardé: élection du PQ = baisse inexorable du dollar canadien, une image accentuée par Jean Chrétien, qui ne se gênait pas pour se moquer de «la piastre à Lévesque», advenant l'indépendance du Québec.

«C'est une légende, de la propagande, dit au bout du fil l'économiste Bernard Élie, professeur au département des sciences économiques de l'UQAM. Il y avait des raisons plus objectives que l'élection du Parti québécois.»

M. Élie se rappelle bien de ce dollar canadien pré-1976, alors qu'il était plus fort que l'américain. Il se rendait même en Nouvelle-Angleterre sur le pouce pour pouvoir en profiter.

La montée de ce qu'on appellera plus tard le huard commence en 1970 quand le gouvernement décide de le laisser s'apprécier au gré du marché contre le dollar américain. Il atteint la parité en 1972 et, le 25 avril 1974, atteint un sommet de 1,0443$US.

Cette période correspond aussi à la crise du pétrole, qui voit les prix du brut grimper à la vitesse de l'éclair. Ce qui fait dire à Martin Lefebvre, des Études économiques Desjardins, que «la situation ressemble étrangement à ce qu'on vit actuellement».

Mais ça ne dure pas. La décennie 70 amène au Canada de la stagflation, c'est-à-dire que le nombre de chômeurs grimpe et que l'inflation suit la même courbe, rappelle M. Élie.

Sur la planète, poursuit-il, la crise du pétrole provoque alors un grave ralentissement. Résultat: les matières premières canadiennes, qui compte pour 30% ou 35% de la valeur de notre dollar, sont moins en demande. Le dollar canadien itou.

S'ensuivent des changements de politiques monétaires de la part de la Banque du Canada qui auront pour effet de mettre la lutte à l'inflation au coeur des objectifs de la Banque.

Pour ceux qui apprécient les anecdotes révélatrices, sachez que le magasin Pascal annonçait dans les pages de La Presse ce même 26 novembre 1976 un solde de «lave-vaisselle adaptable à 6 cycles» à 384,95 $. Une rondelette somme à l'époque. La lutte à l'inflation a fait quelques gagnants.