Jusqu'à 75 milliards de dollars. L'équivalent de la valeur de toutes les maisons vendues dans le Grand Montréal depuis 2000, et même plus.

Jusqu'à 75 milliards de dollars. L'équivalent de la valeur de toutes les maisons vendues dans le Grand Montréal depuis 2000, et même plus.

C'est la somme d'hypothèques qu'Ottawa rachètera des banques canadiennes au cours des prochains mois, une mesure qui devrait faciliter l'accès au crédit pour les entreprises et les consommateurs.

Après la première tranche de 25 milliards annoncée le mois dernier, l'État s'est donné hier la possibilité d'acheter un autre 50 milliards de créances immobilières d'ici avril prochain. Ce geste sans précédent permettra aux banques de mieux affronter la «période prolongée de stress sur les marchés mondiaux du crédit», a fait valoir Jim Flaherty, ministre fédéral des Finances, pendant un point de presse à Toronto.

L'objectif d'Ottawa est simple: injecter des liquidités dans une machine qui tourne au ralenti.

Au fur et à mesure qu'elles seront déchargées des milliers d'hypothèques qui pèsent sur leur bilan, les banques se montreront plus à l'aise d'ouvrir leurs goussets, a expliqué Martin Lefebvre, économiste principal au Mouvement Desjardins.

«On injecte carrément des liquidités dans les mains des banques, et on espère qu'elles vont faire des prêts, a-t-il dit. C'est une façon de rétablir le flux normal du crédit au Canada.»

L'accès aux capitaux devrait non seulement être plus facile, mais aussi «plus abordable pour les particuliers et les entreprises», a avancé le ministre Flaherty. Une promesse que les PME - dont plusieurs sont incapables d'obtenir du financement depuis septembre - espèrent voir se réaliser. Et vite.

Sans risque?

Malgré son gigantisme, le rachat potentiel de 75 milliards en prêts immobiliers sera sans risque pour les contribuables canadiens, a affirmé Jim Flaherty. Il s'agit d'actifs «de grande qualité», assurés, qui seront acquis par l'entremise de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), a indiqué le ministre.

Le gouvernement émettra de nouveaux bons du Trésor et des obligations pour financer ces rachats massifs, qui lui permettront même de tirer «un rendement modeste».

Ottawa a par ailleurs abaissé de 50 points de base la tarification de la «facilité canadienne d'assurance aux prêteurs», hier. Ce programme temporaire, adopté le 23 octobre de concert avec les pays du G7, garantit les prêts interbancaires dans un contexte de méfiance intense entre les banques. Il avait été peu utilisé jusqu'à maintenant à cause du taux d'intérêt jugé trop élevé.

«La facilité sera ainsi plus concurrentielle par rapport aux programmes semblables offerts à l'étranger», a avancé le gouvernement dans un communiqué.

Le bouquet de mesures annoncées hier a été accueilli avec soulagement dans les plus grandes banques du pays. Elles trouvaient qu'Ottawa avait été trop modeste en proposant de racheter «seulement» 25 milliards d'hypothèques le mois dernier.

«C'est vraiment une bonne nouvelle de voir que ça a été élargi par le ministre», a indiqué à La Presse Affaires Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction de l'Association des banquiers canadiens.

«Évidemment, ça aide les banques à offrir du crédit aux consommateurs et aux PME, entre autres, ce qui est très important, car c'est ce que les banques font», a-t-elle ajouté.

À la Financière Banque Nationale, on a salué les «actions vigoureuses» d'Ottawa. «Le système bancaire constitue un élément important du rétablissement de l'économie, car il agit comme courroie de transmission entre la politique monétaire et l'économie», a indiqué dans un rapport Pierre Lapointe, stratégiste de marchés adjoints.

La Banque du Canada a par ailleurs annoncé hier qu'elle injectera au cours des prochaines semaines 8 milliards de nouvelles liquidités dans une «facilité de prêt à plus d'un jour en dollars canadiens». Un geste qui vise lui aussi à assouplir le marché tendu du crédit.

Enfin, le Conference Board a plaidé hier pour que les entreprises en difficulté - notamment celles du secteur automobile - puissent obtenir une aide gouvernementale de dernier recours lorsqu'elles voient les banques leur refuser des fonds.