Les grands États européens se sont repositionnés au coeur du système financier en injectant des dizaines de milliards d'euros pour sauver des établissements bancaires menacés d'effondrement.

Les grands États européens se sont repositionnés au coeur du système financier en injectant des dizaines de milliards d'euros pour sauver des établissements bancaires menacés d'effondrement.

Le poids, et l'influence, de ces mêmes États dans l'économie est aussi renforcé, indirectement, par le fait que plusieurs grands projets de privatisation ont dû être mis sur la glace au cours des dernières semaines.

C'est le cas notamment en France, où le gouvernement tentait tant bien que mal, avant que la crise n'éclate, de faire accepter un projet de privatisation partielle de La Poste, l'un des derniers grands monopoles du pays.

Le projet prévoyait que des investisseurs privés entreraient au capital de la gigantesque société d'État jusqu'à hauteur de 30% en injectant une somme située entre 2,5 et 3,5 milliards d'euros. Au dire du président de La Poste, Jean-Paul Bailly, cet apport est nécessaire pour faire face, à partir de 2011, à l'ouverture à la concurrence imposée par l'Union européenne.

En entrevue à la radio, Henri Guaino, conseiller spécial du président français Nicolas Sarkozy, a mis le holà à l'initiative au cours de la fin de semaine.

«D'abord, il n'a jamais été question de privatiser la poste. Et il n'est pas question, dans la situation où nous nous trouvons, d'ouvrir pour l'instant le capital de La Poste», a-t-il déclaré sur les ondes d'Europe 1.

Il a précisé, par la suite, que le calendrier mis de l'avant par le gouvernement restait «valable», mais «qu'aucune décision n'avait été prise sur la manière de financer» la société d'État.

Le porte-parole de l'UMP, parti du gouvernement, a déclaré que les propos de M. Guaino ne signifiaient pas que le projet de privatisation partielle était définitivement abandonné. «Certains ont imaginé qu'il voulait dire qu'il fallait abandonner la réforme. Alors qu'en fait, la réforme est cruciale», a déclaré Frédéric Lefebvre.

Comme le relevait le quotidien Le Monde il y a quelques jours, le gouvernement sait qu'il peut difficilement justifier un appel au secteur privé pour refinancer La Poste à hauteur de quelques milliards d'euros, alors qu'il a réussi à trouver des dizaines de milliards pour les banques.

Tant le Parti socialiste que le Parti communiste français pressent d'ailleurs l'État français de procéder à une injection de capitaux «publics» et à renoncer à toute privatisation.

Les syndicats, très engagés dans ce dossier, multiplient les pressions pour faire reculer les élus. Ils craignent une dégradation des services aux usagers et une remise en cause des 280 000 postiers qu'ils représentent.

Le plus important syndicat de La Poste, la CGT, a déposé, il y a quelques jours à l'attention du président français, une pétition regroupant les signatures de plus de 300 000 élus, usagers et postiers opposés au projet.

Les dirigeants syndicaux ont accueilli les déclarations d'Henri Guaino comme un encouragement à la poursuite de leur campagne d'opposition. Une nouvelle journée de grève est prévue le 22 novembre.

Une situation similaire se présente en Allemagne, où les élus jonglent depuis près de 20 ans avec un projet de privatisation de la société d'État ferroviaire Deutschbahn. Son introduction en Bourse vient d'être reportée à la dernière minute et pour une période indéterminée.

«Nous ne voyons pas d'environnement de marché (propice à la privatisation) dans un horizon proche», a déclaré Ulrich Wilhelm, porte-parole de la chancelière Angela Merkel.

La Suède est aussi touchée par le phénomène. Le gouvernement avait lancé en 2006 un ambitieux plan de privatisation de six sociétés d'État qui se trouve aujourd'hui au point mort en raison de la crise, la vente d'actifs devenant beaucoup plus difficile.