Les risques de déflation guettent désormais l'économie américaine, entrée durant l'été dans une récession qui s'aggrave à vue d'oeil.

Les risques de déflation guettent désormais l'économie américaine, entrée durant l'été dans une récession qui s'aggrave à vue d'oeil.

En octobre, l'indice des prix à la consommation a reculé d'un point de pourcentage, du jamais vu en depuis 1949. Le taux annuel d'inflation qui s'élevait à 4,9% en septembre s'établissait le mois dernier à 3,7% seulement, son niveau le plus faible en un an, selon le département américain du Travail.

Évidemment, le troisième recul d'affilée des prix à la pompe a fait le gros de la besogne avec une plongée de 14,2%.

Les prix des vêtements, du matériel informatique, du transport aérien et des véhicules reculent aussi puisque les détaillants se livrent bataille pour écouler leurs stocks avant les Fêtes, quitte à rogner leurs marges de profit.

Si on s'en tient à l'inflation de base, qui exclut les aliments et l'énergie selon la définition américaine, la progression des prix a reculé de 0,1% et trottine à 2,2%, comme en avril.

Depuis août, son rythme est limité à 1,1% sur une base annuelle. Il faut remonter à 2003 pour retrouver si faible inflation. La Réserve fédérale avait alors diminué son taux directeur à 1,0% par crainte d'une baisse générale des prix, la déflation dans le jargon économique.

«Avec peu de signes d'un rebond significatif des prix du pétrole prochainement, l'inflation annuelle pourrait se rapprocher de 0% d'ici la mi-2009», suppute Martin Lefebvre, économiste principal chez Desjardins.

Tout porte à croire que la désinflation présente s'accélère. Même des membres du Comité de politique monétaire (FOMC) de la Réserve fédérale américaine (Fed) craignent que la déflation guette l'économie. La baisse générale des prix aurait pour effet d'aggraver la récession.

En milieu d'après-midi hier, la Fed a publié le compte rendu des délibérations entourant sa décision de ramener à 1,0% son taux directeur, le 29 octobre.

Des membres du FOMC jugeaient alors que «d'autres allègements substantiels (du taux directeur) pourraient diminuer la probabilité d'une situation déflationniste», y lit-on.

Les spéculateurs à Chicago accordent une probabilité de 100% à une nouvelle baisse du taux directeur d'au moins 25 centièmes, le 16 décembre.

Un autre point de vue au sein du FOMC signale cependant que les baisses de taux n'ont pas eu jusqu'ici l'effet recherché pour dénouer la crise du crédit, grande responsable de la détérioration de la croissance et de la décrue des prix des biens industriels et de plusieurs prix à la consommation.

La Fed a aussi annoncé hier une forte révision à la baisse de la croissance économique pour cette année et l'an prochain. En 2008, l'expansion sera nulle ou, au mieux, de 0,3%. En 2009, elle oscillera entre -0,2% et 1,0%. En juillet, les autorités monétaires, déjà bien au fait du marasme, prévoyaient une avancée du produit intérieur brut (PIB) de 1,0% à 1,6% cette année et de 2,0% à 2,8%, l'an prochain.

Le taux de chômage sera à l'avenant. Il se situe à 6,5% maintenant et pourrait atteindre 7,6% l'an prochain. «Le compte rendu des délibérations d'octobre reflète le pessimisme grandissant des autorités monétaires quant aux perspectives économiques», résume Milan Mulraine, stratège économique chez TD Valeurs mobilières.

Les derniers chiffres sur les mises en chantier et sur les permis de bâtir apportent une douloureuse confirmation de leurs craintes. À 791 000 unités seulement en rythme annuel, les nouvelles fondations d'octobre sont les moins nombreuses depuis que ces statistiques sont compilées. Pire, les permis de bâtir sont plus faibles encore ce qui indique une plus forte baisse d'activité durant les mois à venir.

Ces chiffres sont d'autant mauvais que la formation de ménages progresse au rythme annuel de 1,3 million, selon le Congressionnal Budget Office. «Il y aura bientôt deux ans que le rythme des mises en chantier est moins rapide que celui de la création des ménages, souligne Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. À un moment donné en 2009, la demande refoulée sera telle que la construction résidentielle pourra contribuer positivement à la croissance.»

D'ici là cependant, les prix à la consommation risquent de reculer. En pareil cas, le consommateur préfère retarder ses achats dans l'espoir qu'ils se replient davantage. Cela aggrave le marasme de l'économie.

Ainsi ont raisonné les investisseurs en Bourse dont les grands indices ont encore abandonné beaucoup de terrain. Le Standard&Poors500 se rapproche rapidement de son creux de 800,58 du 4 octobre 2002 qui marquait le point abyssal de l'éclatement de la technobulle.