Avec l'accélération des communications, les gestionnaires n'ont jamais tant écrit. Hélas, pour plusieurs, quantité ne rime pas toujours avec qualité. Et tant pis pour l'image.

Avec l'accélération des communications, les gestionnaires n'ont jamais tant écrit. Hélas, pour plusieurs, quantité ne rime pas toujours avec qualité. Et tant pis pour l'image.

Pascal Champagne a changé trois fois de patron depuis son entrée sur le marché du travail en 2004. Tous des patrons québécois francophones. Autre dénominateur commun: un français lamentable.

«Je reçois des courriels tellement mal écrits que j'ai parfois de la difficulté à les comprendre», déplore le jeune ingénieur. La communication devrait pourtant être la force des gestionnaires, estime-t-il. Surtout quand ils sont en contact avec les clients.

«Un cadre qui envoie une lettre bourrée de fautes, ça donne une drôle d'image», confirme Marie-Hélène Savard, vice-présidente du cabinet de recrutement Référence Capital Humain. D'ailleurs, la qualité de la langue fait maintenant partie des critères de sélection, précise-t-elle.

Lorsque les tests révèlent des lacunes linguistiques chez un candidat par ailleurs prometteur, certains employeurs refusent carrément de le rencontrer. D'autres offrent une formation à la personne s'ils la retiennent ou, plus souvent, lui demandent de suivre un cours d'appoint par elle-même.

Le message n'est pas toujours bien reçu, note Mme Savard. «Quand on a un bac ou une maîtrise, pas facile pour l'ego de se faire dire qu'on n'a pas réussi un test à la portée d'un élève à la fin du secondaire.»

Chose certaine, il existe de plus en plus de formations professionnelles adaptées à ce type de clientèle.

Depuis 2004, Nathalène Armand donne des cours de perfectionnement du français écrit chez Technologia, un fournisseur de services de formation aux entreprises.

La phobie des participes passés et la méconnaissance des anglicismes frappent à tous les échelons, observe Mme Armand, qui voit défiler autant d'adjointes administratives que de hauts directeurs dans ses classes.

Longtemps, on a dévalorisé l'étude des langues, se rappelle la formatrice de 37 ans. «À l'école, on dirigeait les gens intelligents vers les sciences pures, au pis aller vers les sciences humaines. Maintenant qu'on se rend compte que la communication a une valeur, du jour au lendemain, on demande à tous de savoir écrire.»

Beaucoup d'employeurs sous-estiment la difficulté que représente la rédaction. «On donne aux employés un logiciel comme Antidote, mais aucune formation sur la manière de s'en servir», remarque Mme Armand.

Souvent, tout revient à une question de sous. Dans l'industrie pharmaceutique, quantité de sociétés ont récemment fermé leurs services de traduction. Au grand dam des employés, qui avaient recours à leur aide ponctuelle en matière linguistique.

Marie-Louise (nom fictif) posait souvent de petites questions de français aux traductrices qui travaillaient dans sa boîte. Depuis que leurs tâches ont été imparties, c'est l'enfer, dit la gestionnaire. «Il n'y a plus de moyen efficace et rapide de vérifier certaines phrases. Alors, des fois, je me croise les doigts.»

Un phénomène non généralisé

«Je sais que l'industrie pharmaceutique a été touchée par les fermetures de services linguistiques, mais je ne pense pas que le phénomène soit généralisé», assure Anne-Marie De Vos, présidente de l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec.

Au contraire, Mme De Vos constate que l'Ordre reçoit beaucoup d'offres d'emplois de sociétés qui souhaitent embaucher des langagiers. Bref, tout n'est pas perdu, loin de là.

Bien sûr, les entreprises qui se contrefichent de la qualité de leurs communications demeurent faciles à repérer quand on navigue sur la Toile. Geneviève Poirier, réviseure-correctrice, a offert à quelques reprises ses services à des compagnies qui affichaient des fautes sur leur site.

Leur réponse - quand il y en avait une - était: pas de budget pour ça, raconte Mme Poirier.

«À mon avis, un site internet qui n'a pas reçu les bons soins d'un rédacteur ou d'un réviseur-correcteur, c'est comme une boutique dont la vitrine serait sale. On n'a pas envie d'entrer.»

Des doutes

Ou pas envie de postuler, s'il s'agit d'une offre d'emploi. Le mois dernier, une société d'envergure publiait dans La Presse une annonce commençant comme suit: «Représentant des ventes internes. Qui est un expert de ventes aguérit ayant une aptitude exceptionnelle pour la communication, l'organisation et l'entregent.»

Représentante d'expérience, Maryse affirme qu'une telle annonce ne l'inciterait pas à soumettre sa candidature.

«J'aurais probablement des doutes. Comment une entreprise manquant autant de professionnalisme peut-elle réussir?»

C'est une vue modérée, pourrait-on dire. Sur Facebook, pas moins de 2575 personnes ont rallié le groupe «Les fautes de français mènent au crime» !