Le Québécois Martin Tremblay passe ses nuits avec 150 autres détenus dans un dortoir de la prison de Brooklyn, à New York, depuis son arrestation pour blanchiment d'argent. Mardi prochain, il retourne devant le tribunal. Notre journaliste Francis Vailles a suivi sa trace, du Québec aux Bahamas. Voici la première partie de son enquête. À suivre

Le Québécois Martin Tremblay passe ses nuits avec 150 autres détenus dans un dortoir de la prison de Brooklyn, à New York, depuis son arrestation pour blanchiment d'argent. Mardi prochain, il retourne devant le tribunal. Notre journaliste Francis Vailles a suivi sa trace, du Québec aux Bahamas. Voici la première partie de son enquête. À suivre

La mère de Martin Tremblay crie à l'injustice. Elle juge que son fils est victime d'un complot de la GRC et de la police américaine, comparable à l'affaire Arar.

Selon Danielle Vaillancourt, la Gendarmerie royale du Canada a orchestré l'arrestation de son fils à New York en réaction à une poursuite de ce dernier contre la GRC en 2004.

Cette poursuite de 6,35 millions de dollars américains, Tremblay l'a intentée après que la GRC eut transmis aux autorités américaines des renseignements "hautement préjudiciables" à sa réputation, est-il écrit dans cette poursuite. Ces informations de la GRC associaent Martin Tremblay au blanchiment d'argent et aux Hells Angels.

"L'arrestation, c'est une commande de la GRC", dit Danielle Vaillancourt, que La Presse a rencontrée à sa villa de Paradise Island, aux Bahamas. Il s'agit de la première entrevue accordée par Danielle Vaillancourt depuis l'emprisonnement de son fils, en janvier dernier.

La mère de Martin Tremblay trace un parallèle entre l'histoire de Maher Arar et celle de son fils. Maher Arar est ce Canadien arrêté à New York en 2002 dans la foulée des mesures antiterroristes. Les autorités américaines l'avaient alors expulsé en Syrie, son pays d'origine, où il a été emprisonné et torturé. En septembre, la GRC a dû présenter ses excuses à Maher Arar pour l'avoir faussement associé aux extrémistes musulmans.

Danielle Vaillancourt se dit convaincue de l'innocence de son fils. Selon la police américaine, Martin Tremblay aurait blanchi un milliard de dollars américains entre 1998 et 2005 pour le compte de criminels et de particuliers pratiquant l'évasion fiscale.

Lisez les lettres de martin tremblay à sa famille en pages 2 et 3

L'argent aurait été blanchi, entre autres, par le truchement de son entreprise Dominion Investments, des Bahamas.

"C'est absolument farfelu. Comme s'il avait un réseau pour blanchir un milliard! Mais mon dieu, il est tout seul avec quatre petits employés. C'est un phénix, supérieur à Al Capone! Impossible", dit Mme Vaillancourt, qui espère que ses propos ne nuiront pas à la cause de son fils.

Comptable de formation et ex-enseignante à l'université, Danielle Vaillancourt a perdu en 2005 sa fille Hélène, qui a succombé à une crise d'asthme aiguë. Elle tente aujourd'hui d'innocenter son fils.

Pour convaincre, elle fait la chronologie de certains événements. En août 2004, Martin Tremblay intente une poursuite de 6,35 millions US contre la GRC pour atteinte à sa réputation. À la fin de 2004, dit-elle, l'ordinateur de son fils est volé à Saint-Sauveur, au Québec, où il loue une résidence secondaire.

En mars 2005, "Martin est piégé à New York" par des agents de police qui se font passer pour des trafiquants de drogue cherchant à blanchir des fonds. En janvier 2006, il est arrêté à New York, deux mois avant les audiences prévues en cour au Canada dans sa cause contre la GRC.

"C'est une défense par l'offensive... Dans ce temps-là, ils savaient très bien qu'ils avaient donné de faux renseignements pour Arar. Et voilà un petit blanc-bec qui nous actionne parce qu'on a donné de faux renseignements? On va y fermer la porte", dit Mme Vaillancourt pour justifier le complot.

Et comment expliquer que Martin Tremblay ait accepté des fonds de ces faux trafiquants de drogue?

"Il y a eu un virement électronique de 20000$ et il l'a confié à son avocat pour s'en débarrasser. Il a dit aux agents: je vais vous rappeler. Mais il n'a pas rappelé. Culturellement, pour un Québécois, quand on dit: je vais vous rappeler et qu'on ne rappelle pas, ça veut dire non. C'est une façon de ne pas affronter. Il ne les a jamais rappelés. Eux rappelaient 10-15 fois. Ne pas rappeler, c'est discarter quelqu'un à la québécoise", dit Mme Vaillancourt.

Et les clients louches de Dominion Investments? Les Fernandez, Vonstrasdas, Pelchat et autres coconspirateurs nommés dans l'accusation de la police?

"Martin ne savait pas d'où venait l'argent", soutient Mme Vaillancourt, qui nous a notamment lu des extraits des lettres qu'elle a reçues de son fils. "Au cours des années, lui a écrit Martin Tremblay, j'ai quatre ou cinq clients qui ont fait des affaires croches, mais je ne savais pas ce qu'ils faisaient. Le procureur dit que je le savais et que je participais dans ces affaires. C'est faux. Mais je pense qu'ils vont avoir des témoins qui vont mentir pour se sauver eux-mêmes."

Selon l'acte d'accusation de la police américaine, l'argent aurait été blanchi pour le compte de fraudeurs boursiers, de trafiquants de drogue et de particuliers pratiquant l'évasion fiscale.

En 2004, la poursuite de Tremblay contre la GRC avait trait à des renseignements présumés faux transmis par la GRC aux autorités américaines et à certaines institutions financières.

"La GRC signale que Dominion Investments est une entreprise bahamienne de blanchiment d'argent ayant des liens avec les Hells Angels", avait écrit la GRC. Le document avait été transmis dans le cadre d'une enquête sur un certain Daniel Pelchat, client de Dominion Investments.

"S'ils veulent se servir de lui comme exemple, dit Mme Vaillancourt, ça ne donnera rien parce que l'Union des banques suisses va être encore là, la Crédit suisse va être encore là. Il y a 300 banques ici (aux Bahamas) et elles vont être encore là après", dit Mme Vaillancourt.

Nous avons rapporté à la GRC l'essentiel des propos de Danielle Vaillancourt, mais l'organisation n'a pas voulu faire de commentaires.