Minh a 69 ans. Sa retraite? Peut-être dans trois ans, «si la santé me permet de travailler jusque là», indique-t-il prudemment.

Minh a 69 ans. Sa retraite? Peut-être dans trois ans, «si la santé me permet de travailler jusque là», indique-t-il prudemment.

Minh travaille encore à temps plein. «Il le faut bien, soutient-il. Mes actifs sont trop peu élevés.»

Ce Vietnamien d'origine est arrivé au Québec en 1981, à l'âge de 44 ans. Il a donc eu peu de temps pour se constituer un patrimoine, tout en assurant le bien-être de sa famille de quatre enfants.

«Je n'ai pas de rente de mon employeur», indique-t-il. Ce professionnel, qui touche un salaire de plus de 90 000 $ par année, a tout de même accumulé des épargnes totalisant environ 350 000 $.

Mais il a encore d'importantes obligations. «J'ai un prêt auto de 20 000 $ que je dois rembourser entièrement avant la retraite», précise-t-il. Ce prêt sera acquitté en août 2009. «Il y a également les réparations et les rénovations à la maison que je compte finaliser avant la retraite, pour qu'alors il n'y ait plus beaucoup de dépenses importantes.»

Il possède en effet un duplex d'une valeur de 320 000 $, sur lequel court toujours une hypothèque de 100 000 $. Les revenus du loyer atteignent 10 000 $ par année.

Ce programme l'oblige, lui semble-t-il, à travailler encore au moins jusqu'à la fin de 2009.

Sa conjointe Ngoc, âgée de 67 ans, a une santé précaire. Minh s'accorde pour lui-même une espérance de vie d'une douzaine d'années. Il calcule donc que leur retraite ne s'étendra pas sur plus de 10 ans après qu'il ait cessé de travailler.

Ses épargnes suffiront-elles?

«Toutes ces questions me tracassent et je ne sais pas comment les résoudre.»

Au-delà de l'argent...

Pearl Guertin, planificatrice financière au Groupe Option Retraite, a précisé les paramètres du problème avec Minh.

Celui-ci estime que ses dépenses à la retraite s'élèveront à 51 500 $, incluant toutes les dépenses liées au logement de son duplex. De cette somme, 16 600 $ seront alloués aux voyages, aux divertissements et aux cadeaux à ses enfants.

Minh et Ngoc touchent des rentes gouvernementales qui totalisent 11 360 $ pour le premier et 2664 $ pour la seconde. Or, les gouvernements d'Ottawa et de Québec ont annoncés la possibilité de partager les revenus de retraite de deux conjoints pour les équilibrer.

Mme Guertin recommande en outre que Minh, tant qu'il travaille, contribue au REER de sa conjointe jusqu'à ce qu'elle atteigne 69 ans.

En partageant ses revenus avec Ngoc, Minh les verrait baisser sous la barre des 62 000 $. Il n'aurait donc plus à rembourser ses prestations de Sécurité de la vieillesse, qui s'élèvent actuellement à 2996 $. Avec ce partage, Ngoc pourra elle aussi avoir droit au crédit de revenu de pension, qui peut atteindre 2000 $ au fédéral.

Ainsi, indique notre planificatrice, une personne qui touche un revenu de 75 000 $ paiera 24 400 $ en impôt, alors que deux conjoints qui gagnent chacun la moitié ne verseront au total que 18 300 $ au fisc,

«Le couple pourra opter pour cette allocation des revenus à chaque année ou la modifier selon les circonstances financières ou les besoins de planification», souligne-t-elle.

Minh prévoit prendre sa retraite en 2009. Pour soutenir le train de vie espéré, il devra puiser près de 45 000 $ dans ses économies chaque année. À ce rythme, en supposant un rendement de 5 % et une inflation de 2 %, le couple aura épuisé ses économies en 2019. Minh aura alors 82 ans.

C'est précisément le court horizon de vie qu'il s'était fixé. «Il ne voulait pas qu'on dépasse 82 ans dans nos prévisions», explique Pearl Guertin.

S'ils survivent après 2019, Minh et Ngoc ne pourront plus alors compter que sur les maigres rentes gouvernementales, et éventuellement sur le Supplément de revenu garanti.

Mais Minh possédera toujours sa propriété, qui vaudra alors 398 000 $, si on suppose une augmentation de valeur de 2 % par année. Une fois soustraits le solde hypothécaire et l'impôt sur le gain en capital sur la portion locative, le couple aura alors en main des liquidités de 287 000 $. De toute manière, Mme Guertin est convaincue que dès le début de sa retraite, Minh optimisera son coût de vie, dont les prévisions sont pour l'instant aussi larges que nébuleuses.

«Minh aura-t-il suffisamment de revenus à la retraite? Il n'a pas à s'inquiéter», conclut Pearl Guertin.

En effet, les véritables préoccupations de Minh sont peut-être ailleurs. Entre les lignes, entre les inquiétudes financières exprimées, Mme Guertin perçoit une angoisse du vide, celui que laisse un horaire soudainement libre. «Que fait-on à la retraite? Voilà la principale question que Minh se pose, et je crois que c'est la plus importante», insiste la planificatrice. «Comment sera comblé le temps? Comment nous considérerons-nous sans carte d'affaires?»

Le train de vie estimé à 51 000 $, qui laisse une vaste place aux cadeaux aux enfants, traduit lui aussi le souci de demeurer le père prévenant qu'il a toujours été.

«Il s'oublie complètement et vit pour faire plaisir aux autres», observe Pearl Guertin. «S'il arrête de travailler, est-ce qu'il sera capable de continuer à être ce qu'il était?»

La planification de la retraite de Minh, comme souvent, dépasse les seules projections financières.

«S'il était mon père, je lui suggérerais de demander à son employeur de réduire sa semaine de travail, et surtout d'explorer des activités motivantes et valorisantes dans ses temps libres», indique la conseillère.

«Je lui dirais: comment puis-je t'aider à penser à toi?»