Cette semaine, les investisseurs ont réalisé une chose: il ne faut pas s'attendre à des baisses de taux d'intérêt aux États-Unis à court terme.

Cette semaine, les investisseurs ont réalisé une chose: il ne faut pas s'attendre à des baisses de taux d'intérêt aux États-Unis à court terme.

Du coup, les marchés boursiers se sont ajustés à cette nouvelle donne qui tient compte des pressions inflationnistes grandissantes et des hausses de taux d'intérêt un peu partout sur la planète.

Depuis lundi, les Bourses canadiennes et américaines ont chuté d'environ 3% en date de jeudi, avant de rebondir de façon marquée hier.

«Ce changement de perspectives a mis les projecteurs sur les titres de plus grande qualité et sur ceux qui sont moins vulnérables au ralentissement de l'économie résultant des augmentations des taux», constate le stratège Vincent Delisle, de Scotia Capitaux.

À son avis, les grands vents qui ont soufflé sur les places boursières cette semaine vont se calmer.

«Le marché pourrait reculer encore de 3 à 5% mais les choses vont se tasser quand on constatera que les hausses des taux d'intérêt ne mettent pas l'économie en péril», ajoute-t-il.

Cela dit, ce réalignement du marché amène quand même un changement de garde du côté des actions, estime le spécialiste.

«Certains secteurs canadiens, comme les titres des industrielles, des télécoms, des technos et des financières, font bien quand la Bourse américaine progresse et que le billet vert reprend de la vigueur», précise-t-il.

Dans le contexte actuel, M. Delisle suggère aux investisseurs d'adopter une approche prudente. Il estime qu'il faut privilégier les actions des grandes entreprises.

Le stratège recommande de se tourner davantage vers les grandes places boursières américaines et européennes. «Elles sont moins risquées que la Bourse canadienne et que les marchés émergent», dit-il.

Une étude publiée cette semaine par Scotia Capitaux montre d'ailleurs que le marché canadien est présentement plus cher que ceux des États-Unis et de l'Europe.

La Bourse canadienne s'échange à 15,9 fois les profits de 2008 comparativement à 15,6 fois pour les États-Unis et 13,5 fois pour la zone euro. L'ensemble boursier mondial, incluant l'Asie et les pays émergents, se transige à 14,9 fois.

Plus encore, les trois principaux secteurs de la Bourse de Toronto s'échangent à des niveaux plus élevés que le reste du monde. Il s'agit des matériaux (16,3x vs 12,9x), de l'énergie (16x vs 12,2x) et la finance (13,9x vs 12,5x).

D'ici la fin de 2008, le stratège prévoit une performance de 8 à 10% pour les Bourses nord-américaines. Toutefois, étant donné qu'il s'attend une appréciation de la devise américaine face au dollar canadien il signale que les titres américains seront plus attrayants.

Dans le contexte d'une hausse des taux d'intérêt de long terme, il anticipe un rendement de 2% pour les obligations.

Selon lui, les titres d'encaisse, incluant les bons du Trésor, vont mieux faire avec un rendement de 5%.

«La décision de surpondérer la part des actions dans son portefeuille reste, plus que jamais, valable», dit Vincent Delisle.

Le stratège souligne que le marché mondial continuera à porter attention aux risques inflationnistes.

Du côté américain, il ne pense pas qu'à court terme la Fed ira jusqu'à augmenter son taux directeur, actuellement à 5,25%.

«Mais les Bourses ont réagi quand les investisseurs ont réalisé qu'il ne fallait plus s'attendre à une baisse des taux», dit-il.

Les intervenants pensent maintenant que l'économie américaine n'est pas aussi faible qu'on le croyait même si son PIB n'a avancé que de 0,6% au premier trimestre de l'année (par rapport à 2,5% au quatrième trimestre de 2006).

«On se rend compte que le manque de robustesse s'explique par la faiblesse du secteur de l'immobilier résidentiel et par des importations plus élevées que des exportations, explique M. Delisle. Pendant ce temps, les dépenses des consommateurs restent très fortes.»

Dans cet environnement, pense-t-il, il serait «illogique» que la banque centrale américaine abaisse ses taux d'intérêt.

VINCENT DELISLE: Stratège pour Scotia Capitaux

PLUS: les taux d'intérêt augmentent parce que l'économie va bien.

MOINS: risque de mettre en péril la domination des titres émergents et cycliques.