Les commerçants qui peinent à servir leurs clients en français perdent assurément des ventes, selon une étude menée par Léger et Raymond Chabot Grant Thornton. Pendant ce temps, des détaillants comme Chocolats Lindt, Meubles Léon, la SAQ et la SQDC se distinguent pour la qualité de leurs services dans la langue de Molière.

Les bons prix d’abord. Le français ensuite. Si les consommateurs francophones sont avant tout à la recherche d’un bon rapport qualité-prix lorsqu’ils font des achats, l’affichage et le service en français offert en magasin se classent au deuxième rang des critères contribuant à une bonne expérience d’achat.

Le fait de pouvoir faire des achats dans sa langue surpasse des critères comme la proximité du magasin, la variété et la qualité des produits ou encore l’efficacité du service.

« Ça va peut-être sonner un peu Elvis Gratton, mais servir ses clients en français, c’est bon pour la business» À la suite de la publication d’une étude vendredi portant sur l’impact socioéconomique du commerce en français à Montréal, cette affirmation lancée en riant par Christian Bourque, vice-président exécutif et associé de Léger, semble prendre tout son sens.

S’ils réussissaient à récupérer les consommateurs des couronnes qui les boudent actuellement en raison d’un service en français jugé déficient, les commerçants montréalais pourraient enregistrer des ventes supplémentaires de 1,1 milliard chaque année.

Le centre-ville, Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce seraient les principaux quartiers qui bénéficieraient de ce transfert de ventes. C’est du moins ce qui ressort de l’enquête menée par Raymond Chabot Grant Thornton et Léger. Un sondage a été réalisé en ligne auprès de 3012 répondants francophones et anglophones qui résident dans la grande région de Montréal (île de Montréal, Laval, Lanaudière, Laurentides et Montérégie) en mai 2023.

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À noter que 41 % des répondants de l’étude ignorent « qu’il existe une obligation légale de commercer en français au Québec ».

Actuellement, près de 30 % des francophones affirment éviter certains secteurs de Montréal par crainte que le français soit inexistant entre les murs des commerces situés dans ces quartiers. « Quels commerçants renonceraient à 30 % d’une clientèle potentielle en fonction du critère d’être servi en français ? Quel décideur suis-je si je suis capable d’ignorer le deuxième critère en importance pour la grande majorité des consommateurs potentiels qui habitent ma région ? », a demandé Christian Bourque lors de la présentation des résultats.

Ce dernier a par ailleurs martelé qu’offrir un service dans la langue de Molière aide à faire fonctionner davantage « la caisse enregistreuse ».

Chez les consommateurs francophones, 40 % sont prêts à tourner les talons et à chercher un autre détaillant s’ils ne peuvent pas se faire servir dans leur langue. Si bien que, parmi eux, 4 sur 5 sont disposés à se déplacer à une distance de 30 minutes pour se faire accueillir avec un « bonjour » et vivre une expérience de magasinage dans leur langue.

Détérioration du français à Montréal

Par ailleurs, « 48 % des répondants considèrent que la situation du français dans les commerces de Montréal s’est détériorée depuis les cinq dernières années », peut-on lire dans l’étude. Cette proportion atteint 68 % chez les francophones. Ces résultats n’ont pas surpris le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, également présent lors du dévoilement de l’étude.

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« Moi, je suis confiant qu’on va inverser ce déclin », a déclaré le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, également présent lors du dévoilement de l’étude.

« C’est une réalité, a-t-il reconnu en réponse aux questions des journalistes. On l’a dit. Il y a déclin de la langue française au Québec et à Montréal. La perception qu’ont les Montréalais, particulièrement les francophones, c’est la réalité. On a posé des gestes très importants. On a changé la donne pour les universités anglophones, on change les règles pour l’affichage, on change les règles pour l’immigration temporaire, permanente, on s’en vient avec de nouvelles initiatives. Moi, je suis confiant qu’on va inverser ce déclin. »

À noter que 41 % des répondants ignorent « qu’il existe une obligation légale de commercer en français au Québec ». « Si les francophones de la région de Montréal connaissaient mieux leur droit […] d’être servis en français, ils l’exigeraient plus souvent », croit Christian Bourque.

« Il faut s’affirmer, ajoute le ministre Roberge. C’est un geste citoyen qu’on doit tous poser lorsque malheureusement on est accueilli dans une autre langue que le français. Il faut exiger d’être servi en français, tout simplement. »

Des détaillants qui se démarquent

Si certains commerçants peinent à servir leurs clients en français, d’autres, au contraire, se distinguent aux yeux des consommateurs. Chocolats Lindt, Meubles Léon, la SAQ et la SQDC ont remporté vendredi le prix Molière, décerné à la suite de la compilation des réponses données à un sondage mené par Léger à la fin de 2023. La remise de prix a été organisée par le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

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La boutique Chocolats Lindt, au Centre Eaton

Près de 250 détaillants ont été évalués. Chocolats Lindt s’est distingué pour son intégration au contexte francophone du Québec dans toutes ses activités et communications, Meubles Léon a tiré son épingle du jeu grâce à l’excellence de son français dans le service à la clientèle offert par ses employés en ligne, la SAQ a été reconnue pour la prédominance et la qualité du français dans ses succursales et la SQDC s’est démarquée par l’excellence de son français dans les informations et la documentation offertes en ligne.

La distinction de Chocolats Lindt, un détaillant étranger, envoie un signal positif aux enseignes d’ailleurs qui pourraient être tentées de s’installer au Québec, selon Michel Rochette, président pour le Québec du CCCD. « Ça envoie un signal que c’est très important pour les Québécois de se reconnaître dans une entreprise. [Celles] qui ont compris ça, on voit le résultat maintenant, elles reçoivent une bonne tape dans le dos et évidemment, ça se reflète dans les ventes ensuite. »