Le Canadien de Montréal affichait encore une centaine de billets à vendre à la veille du match d’ouverture contre les Maple Leafs de Toronto au Centre Bell, mercredi soir, alors que les billets offerts par des revendeurs se comptaient aussi par plusieurs dizaines. Une situation anormale pour le Tricolore, mais pas si surprenante, selon des experts.

« C’est très peu typique qu’il reste des billets pour le premier match de la saison, affirme Benoît Chalifoux, enseignant dans des écoles de commerce du Québec et de l’Europe. Le Canadien de Montréal, c’est une institution. Même quand ils ne sont pas bons, on va les voir. Alors s’il reste des billets, c’est vraiment de mauvais augure », dit-il.

Le conférencier ne blâme pas les saisons passées qui se sont finies en queue de poisson pour expliquer un engouement plus faible qu’à l’habitude, mais plutôt les huit matchs de présaison. Le Canadien a enregistré une fiche de 0 victoire et 8 défaites, rappelle douloureusement M. Chalifoux.

Pour ce qui est des billets en revente, l’enseignant note qu’ils ont toujours existé et qu’ils existeront toujours. « Il y a du monde qui voit la vente de billets comme une opportunité d’affaires », explique-t-il. À ceux-ci s’ajoutent aussi les détenteurs d’abonnements de saison déçus qui sont prêts à vendre leurs sièges étant donné les insuccès répétés de l’équipe.

En soirée mardi, un billet derrière le banc des Maple Leafs se revendait 750 $. Les billets les moins chers coûtaient 100 $ l’unité.

« Un lien d’amour brisé »

Raphaël Doucet, rédacteur en chef du site La poche bleue, parle aussi d’une situation inhabituelle. « Ce n’est pas normal. C’est un match du Canadien contre ses rivaux des Maple Leafs. C’est le match d’ouverture et c’est rare que le Canadien commence sa saison à domicile », souligne-t-il.

Pendant l’été, le bleu-blanc-rouge a même fait une campagne de publicité à la télé, à la radio et dans certains médias écrits afin de vendre des forfaits de plusieurs matchs, dit M. Doucet, une autre démonstration des difficultés du Canadien.

« Ce n’est pas normal, mais je ne suis pas surpris considérant que l’équipe a été pourrie l’an dernier », ajoute-t-il.

L’ancien animateur du 91,9 affirme qu’il y a quelques années, les billets [originaux et en revente] se vendaient « comme des petits pains chauds ». Même les partisans les plus motivés pouvaient éprouver de la difficulté à mettre la main sur des laissez-passer puisque le Canadien jouait à guichets fermés, dit-il.

« L’année passée, il y a un lien d’amour, un lien de confiance qui s’est brisé entre les partisans et l’organisation. L’équipe a terminé au 32rang », dit M. Doucet.

Le journaliste croit que le Canadien aura la lourde tâche de ramener les partisans vers le Centre Bell alors que l’équipe entame [ou poursuit] une phase de reconstruction. Celle-ci misera sans doute sur la jeunesse et les visages du nouveau capitaine Nick Suzuki, du premier choix au repêchage Juraj Slafkovsky et de Cole Caufield.

« Mais ce ne sont pas tous les partisans du Canadien qui vont être prêts à dépenser 100 $, 200 $, 300 $ pour encourager des jeunes alors que l’équipe risque encore de terminer dans les bas-fonds du classement », nuance-t-il.

André Richelieu, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, explique que ce que l’on vend dans le sport, c’est de l’espoir.

« À moins d’être un super admirateur du Canadien de Montréal, pourquoi s’impliquer émotionnellement et financièrement alors que l’équipe part battue d’avance ? La saison 2022-2023 s’annonce très longue », croit le spécialiste en gestion de marque et de l’industrie du sport.

« Depuis la participation de la franchise à la finale de la Coupe Stanley, à l’été 2021, l’image de marque du Canadien s’est dépréciée et la valeur perçue qu’en ont les supporters s’est effritée. Il devient très difficile d’exiger un prix premium pour un spectacle qui n’est plus, ou pas encore, du calibre de la LNH », ajoute-t-il.