Le mercredi est-il devenu le nouveau « jeudredi » ?

Les périodes d’achalandage dans les commerces du centre-ville ont changé. Les repas d’affaires et les séances de magasinage sur l’heure du midi ont maintenant la cote en milieu de semaine, constatent des détaillants et des restaurateurs interrogés par La Presse.

Les travailleurs du centre-ville, dont beaucoup sont en mode hybride, semblent en majorité avoir jeté leur dévolu sur le mercredi surtout, ainsi que le mardi et le jeudi, pour venir au bureau, boudant ainsi le lundi et le vendredi. Cet horaire a une incidence directe sur les commerçants.

« Le lundi, ce n’est clairement pas la journée la plus populaire au bureau », lance sans détour Geneviève Touchette, directrice générale du Central, une aire de restauration située sur Sainte-Catherine, qui compte plus d’une vingtaine de comptoirs. Faute de clients potentiels, Le Central est fermé en début de semaine.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Geneviève Touchette, directrice générale du Central

Elle note également que les vendredis midi ne font pas courir les foules. Toutefois, en milieu de semaine, les clients sont nombreux à prendre place aux grandes tables du Central pour partager un repas ou pour prendre un verre. Alors que les jeudis ont toujours été populaires auprès des collègues désireux d’échanger après le travail, le mercredi est maintenant devenu une journée rassembleuse, selon Mme Touchette.

Plus à l’ouest, au magasin Sports Experts, Louis Côté, vice-président des opérations pour le Groupe Goulet Sports, propriétaire d’une dizaine d’établissements de la même chaîne, fait aussi ce constat.

Avant, le lundi et le vendredi étaient nos deux plus grosses journées de la semaine. Maintenant, c’est rendu le mardi, le mercredi et le jeudi. On voit vraiment une grosse différence.

Louis Côté, vice-président des opérations pour le Groupe Goulet Sports ,au sujet du Sports Expoerts de la rue Sainte-Catherine

Tous les propriétaires d’établissements au centre-ville, Souris Mini, Avril, La Cage – Brasserie sportive – dont les ventes du mercredi et du jeudi midi ont surpassé celles du vendredi – et Benny & Co. ont confirmé à La Presse que leur achalandage « avait migré » vers le milieu de la semaine.

« On le voit même sur les routes, ajoute Louis Côté. Avant, le lundi, c’était la pire journée pour venir au centre-ville de Montréal. Maintenant, c’est la meilleure journée. J’ai même changé mon horaire pour être plus souvent au magasin de la rue Sainte-Catherine le lundi et le vendredi. C’est beaucoup plus simple de voyager. »

« On pourrait dire que les mercredis sont les nouveaux jeudredis », illustre en riant Glenn Castanheira, directeur général de Montréal Centre-ville. Il tient toutefois à souligner que, à la lumière des données enregistrées par les compteurs d’achalandage, le centre-ville grouille d’activités le vendredi et le samedi. Il ne s’agit pas nécessairement de travailleurs, mais plutôt de visiteurs ou encore d’étudiants.

Un retour à temps complet

Bien qu’ils aient des milieux de semaine occupés, bien des commerçants espèrent que cet achalandage à temps partiel ne deviendra pas la « nouvelle normalité. » « Au départ, mon modèle d’affaires n’était pas basé sur ce genre d’horaire », dit Geneviève Touchette.

Nicolas Filiatrault, vice-président finances et administration des restaurants Benny & Co., souhaite lui aussi que l’activité reprenne de façon plus équilibrée. La chaîne québécoise notamment reconnue pour son poulet rôti a ouvert en pleine pandémie deux restaurants au centre-ville de Montréal, l’un sur le boulevard Robert-Bourassa et l’autre sur la rue Saint-Jacques. « On veut recréer des habitudes de consommation », précise-t-il.

De son côté, Glenn Castanheira est plutôt confiant en l’avenir. Il rappelle notamment les données publiées à la fin août par l’agence immobilière Jones Lang LaSalle (JLL) qui laissaient entrevoir une embellie pour les commerçants du centre-ville. La fréquentation a en effet augmenté de 40 % chez ces détaillants pour le deuxième trimestre 2022 par rapport à l’an dernier. Interrogés par La Presse à la suite du dévoilement de ces chiffres, plusieurs d’entre eux avaient affirmé que leurs ventes avaient atteint et même parfois surpassé les niveaux de 2019, alors que le trafic demeurait inférieur à ceux enregistrés avant la pandémie.

« On veut qu’il y ait de l’achalandage point, affirme M. Castanheira. Est-ce que c’est inquiétant ? Pas tant. En fait, c’est rassurant. On voit que les gens sont là. Ce sont juste les comportements qui changent, les heures qui changent, les horaires qui changent. »

« Ce qui a vraiment changé, c’est que les gens ne sont plus obligés de venir au centre-ville [tous les jours]. Généralement, ils viennent par choix, note-t-il. On fait le pari que s’ils viennent par choix, ils vont en profiter : ils vont aller magasiner, aller chez le cordonnier, chez le nettoyeur. Tout indique que c’est ce qui est en train de se passer. On en a perdu, mais ceux qui reviennent sont ceux qui maximisent leur visite au centre-ville, donc ceux qui ont le plus de retombées sur les commerçants du centre-ville. Et ça, c’est encourageant. »