Les progrès stagnent en milieu de travail pour les femmes et particulièrement celles issues des minorités, révèle le rapport annuel de McKinsey. La diversité, l’équité et l’inclusion sont des valeurs à la mode, mais elles tardent à se manifester dans les entreprises.

L’écart affolant

Les données du rapport La diversité au travail au Canada sont sans équivoque. Comme en témoigne le tableau, la progression des femmes à toutes les étapes de la hiérarchie d’une organisation ou d’une entreprise est encore très loin d’être égalitaire au Canada, indique le cabinet international de conseils en stratégie.

« Il n’y a pas un plafond de verre, mais une succession de murs en verre qu’il faut traverser à tous les étages », affirme lors d’une entrevue vidéo Sandrine Devillard, associée senior de McKinsey Canada et principale auteure du rapport.

Déjà, au tout premier échelon de chef de service, on compte 85 femmes promues pour 100 hommes promus. « Dès le début, on a la première muraille de verre », illustre l’auteure, qui étudie le sujet depuis 18 ans.

« Jamais je n’aurais imaginé qu’on en soit encore là en 2022, surtout pas en Amérique du Nord et au Canada en particulier. »

Lorsqu’on ajoute le filtre de l’origine ethnique, le niveau d’entrée des femmes de différentes origines tombe à 17 % et termine à 6 % à celui de la direction générale.

Seulement 4 % de plus

Les femmes occupaient 49 % des postes de premier échelon en 2020, contre 45 % en 2017. Du côté des gestionnaires et des cadres supérieurs, on en comptait 37 %, deux points de pourcentage de plus seulement qu’en 2017.

« Il semble qu’il y ait peu de progrès en la matière, constate Sandrine Devillard. Si on s’en tient à tous les signaux annonciateurs, on a l’impression que ça ne va pas s’améliorer dans l’avenir. »

Contrairement à la perception populaire, il y a peu d’écart entre le désir des hommes et celui des femmes d’accéder à des postes de direction importants. Au Canada, 30 % des femmes y aspirent, alors qu’ils sont 37 % du côté des hommes. Avant la pandémie, l’écart était plus faible.

Une priorité ?

En 2021, près de 70 % des leaders ont déclaré que leur organisation considérait la diversité, l’équité et l’inclusion comme une priorité. Cependant, il semble y avoir une distorsion entre leurs intentions et les gestes réels. Seulement 15 % des employés croient que ces leaders ont respecté leurs engagements.

Le rapport indique que les entreprises les plus performantes en la matière sont celles où la progression ou non de ces valeurs a été imputable aux dirigeants. Une progression mesurée à l’aide d’indicateurs précis.

À la responsabilisation des dirigeants, la spécialiste est d’avis qu’il faut ajouter la formation aux préjugés inconscients, car beaucoup sont incapables de discerner les comportements non inclusifs.

« C’est normal d’avoir des préjugés, explique Sandrine Devillard. C’est ce qui fait qu’on est capable de faire un tas de choses dans une journée rapidement, parce qu’on a des automatismes, des schémas de pensée. C’est ce qui fait que l’humanité a pu perdurer, parce que le cerveau limbique nous dit : “Attention, c’est long et ça fait ssshhh, c’est un serpent, et il vaut mieux s’éloigner” », illustre-t-elle.

Les femmes cadres se disent moins écoutées

Être interrompues ou ignorées plus souvent que les autres, voilà ce que 41 % des femmes cadres affirment subir à cœur de jour, contre 17 % d’hommes cadres. Il s’agit de l’une des nombreuses microagressions que disent subir les gestionnaires de sexe féminin.

Le fait d’être remises en question quant à leurs compétences dans leur domaine d’expertise a été observé par 36 % de femmes cadres, contre 23 % d’hommes cadres.

Si une employée est la seule femme ou la seule femme racisée dans l’organisation, elle risque de subir des microagressions plusieurs fois par jour, indique la chercheuse.

Le personnel racisé ou représentant la communauté LGBTQ+ peut être aussi vu comme les porte-paroles de celles et ceux qui leur ressemblent. Une situation dénoncée par 16 % des femmes et 4 % des hommes dans des postes de direction.

Les données ont été recueillies entre mai et août 2021 auprès de 5000 personnes provenant de 51 entreprises canadiennes, de 10 industries différentes. Le quart de ces entreprises ont leur siège social au Québec.