Les nouvelles commandes, les réinvestissements ainsi qu’un nouvel outil pour accélérer la cadence de production de l’A220 d’Airbus ne changeront rien à court terme : les contribuables devront attendre encore quelques années avant de voir leur investissement dans l’ancienne C Series de Bombardier retrouver un peu de lustre.

Aux Québécois qui tapent du pied et qui se demandent si les résultats seront finalement au rendez-vous après un soutien financier public qui atteint environ 1,7 milliard, le gouvernement Legault et Airbus répondent qu’il faut encore « un peu de patience ».

« Tout ce que je peux dire, c’est que le programme fonctionne », a affirmé mardi le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, en marge d’un passage dans les installations d’Airbus à Mirabel, dans les Laurentides. « J’ai une très grande confiance que la valeur du placement lors de la vente sera supérieure [aux sommes] investies. »

Celui-ci avait participé, avec le président-directeur général d’Airbus Canada, Benoît Schultz, et Philippe Mhun, président du conseil d’administration d’Airbus Canada, à la présentation médiatique de la chaîne de préassemblage de l’A220.

Toujours déficitaire, le programme devrait atteindre le point d’équilibre vers 2025, lorsque la cadence de production passera de 6 à 14 avions par mois à Mirabel et à Mobile, en Alabama. D’ici là, dans les états financiers du gouvernement québécois, la valeur du placement dans les livres du gouvernement risque de ne pas bouger.

Selon le plus récent rapport du Fonds du développement économique, la « juste valeur » de l’investissement dans le programme était « nulle » au 31 mars 2021.

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Le président-directeur général d’Airbus Canada, Benoît Schultz (gauche), et le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon (droite)

« La vérificatrice générale impose des règles qui font qu’aujourd’hui, la coentreprise perd de l’argent, donc ça vaut zéro, a reconnu M. Fitzgibbon. Le carnet de commandes est très bien rempli. Il faut les livrer [les avions] et exécuter. »

Toujours du pain sur la planche

Québec détient 25 % de l’A220. Le gouvernement libéral de Philippe Couillard avait volé au secours de Bombardier en 2015 en allongeant 1,3 milliard. Malgré son scepticisme initial à l’endroit de l’investissement, le gouvernement Legault vient néanmoins de remettre 380 millions dans le cadre d’un réinvestissement commun de 1,5 milliard effectué avec Airbus pour éviter de voir sa participation être diluée. Son discours a particulièrement changé. Québec fait maintenant miroiter un profit.

En déliant les cordons de la bourse, l’État québécois reporte à 2030 le moment où Airbus peut racheter sa participation. Si le programme est rentable pendant plusieurs années, sa valeur devrait augmenter, ce qui permettra aux contribuables de récupérer une partie de leurs billes.

Dans les coulisses de l’assemblage de l’A220
  • Les modules de fuselage sont installés dans des stations et se déplacent sur la chaîne. Les étapes sont définies pour permettre l’installation, par exemple, du câblage électrique, des planchers et d’autres modules.

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    Les modules de fuselage sont installés dans des stations et se déplacent sur la chaîne. Les étapes sont définies pour permettre l’installation, par exemple, du câblage électrique, des planchers et d’autres modules.

  • La nouvelle chaîne de préassemblage est d’une superficie de 125 000 pi2. C’est l’équivalent d’environ sept patinoires de la Ligue nationale de hockey.

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    La nouvelle chaîne de préassemblage est d’une superficie de 125 000 pi2. C’est l’équivalent d’environ sept patinoires de la Ligue nationale de hockey.

  • Puisque les modules se déplacent sur la chaîne d’assemblage, les travailleurs demeurent au même endroit et effectuent toujours les mêmes tâches. Cela permet de réduire le temps nécessaire pour assembler un avion, selon Airbus.

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    Puisque les modules se déplacent sur la chaîne d’assemblage, les travailleurs demeurent au même endroit et effectuent toujours les mêmes tâches. Cela permet de réduire le temps nécessaire pour assembler un avion, selon Airbus.

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Plus de 70 commandes ont été obtenues depuis le début de l’année. On recense quelque 540 contrats fermes dans le carnet de commandes, ce qui couvre plusieurs années de production.

Dans une mêlée de presse distincte, M. Schultz a tenu le même discours que le ministre de l’Économie en prônant la patience, en rappelant que l’A220 était un programme encore récent qui n’avait pas atteint son rythme de croisière.

« Notre industrie en est une de cycles assez longs, a-t-il dit. On développe un avion, cela prend du temps. »

L’avionneur européen tient le même discours depuis 2018, année où il s’est installé aux commandes de l’appareil : la pérennité passe par une réduction des coûts ainsi qu’une hausse du nombre d’avions assemblés. Cette « cohérence » devrait être perçue comme une « bonne chose », selon M. Schultz. Cela signifie que les choses progressent dans la bonne direction.

En service depuis janvier dernier, la chaîne de préassemblage a été aménagée dans l’espace d’environ 125 000 pi2 où Bombardier assemblait auparavant ses avions régionaux CRJ.

Lisez « Production de l’A220 : Airbus mise sur sa chaîne de préassemblage »

Essentiellement, on y installera le câblage électrique, les planchers et d’autres modules dans les fuselages, qui se retrouveront ensuite sur les chaînes d’assemblage de Mirabel et de Mobile. L’objectif de la multinationale est de rassembler les activités de préparation des sections de fuselage à un seul endroit.

L’investissement n’a pas été chiffré par Airbus. Il s’agit de la première chaîne du genre implantée par le géant européen à l’extérieur du Vieux-Continent.

Un jalon pour le Global 7500 de Bombardier

Pendant qu’Airbus levait le voile sur sa chaîne de préassemblage, l’autre avionneur implanté au Québec, Bombardier, procédait à la 100livraison de son Global 7500, le jet d’affaires au cœur du plan de redressement de l’entreprise. Pour l’occasion, l’opérateur VistaJet, qui loue des appareils à l’heure, s’était déplacé dans les hangars de Bombardier situés à Dorval. Le Global 7500, dont le prix catalogue est de 75 millions US, est entré en service à la fin de 2018. L’appareil est rentable depuis l’an dernier. « Tous les avions que nous livrons sont profitables pour nous », a indiqué le président et chef de la direction de l’avionneur québécois, Éric Martel, en mêlée de presse. Il s’agit d’un 10Global 7500 pour VistaJet. L’entreprise exploite actuellement une flotte de 80 jets d’affaires construits par la multinationale québécoise.

En savoir plus
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    Les sanctions canadiennes imposées à la Russie depuis sa tentative d’invasion de l’Ukraine n’ont pas eu d’effet sur le carnet de commandes de l’A220. Aucun contrat n’a été annulé.
    source : Airbus