Comme il l'a fait à toutes les assemblées annuelles au cours des dernières années, Lino Saputo s'est porté encore une fois hier à la défense du système canadien de gestion de l'offre pour la production laitière en affirmant son désaccord avec la position de l'ex-premier ministre Brian Mulroney, qui souhaiterait son abolition afin de relancer les négociations de l'ALENA.

Même si le transformateur laitier serait le premier à profiter de la libéralisation du système canadien de gestion de l'offre, puisque ce serait le marché qui fixerait les prix et non pas la Commission canadienne du lait, Lino Saputo a répété hier que le régime canadien fonctionnait très bien et que ça ne donnerait rien de le changer.

« Ça fait plus de 50 ans qu'on opère sous le système de la gestion de l'offre et cela a assuré une très grande stabilité dans le marché », a-t-il répondu à une actionnaire qui s'interrogeait sur les critiques récentes qu'a formulées le PDG de Saputo à l'endroit du régime canadien.

« Comprenez-moi bien, je suis en faveur de la gestion de l'offre, mais je suis contre l'accord de prix de classe 7 qui a été introduite il y a deux ans et qui permet aux producteurs canadiens d'exporter leur surplus de lait au prix mondial tout en protégeant le marché canadien avec des droits de plus de 200 % sur les exportations américaines de lait », a déploré le PDG.

Lino Saputo ne partage pas l'opinion de l'ex-premier ministre Brian Mulroney qui plaide depuis quelques mois en faveur de l'abolition de la gestion de l'offre en retour de généreuses subventions aux producteurs laitiers canadiens, une concession qui temporiserait les négociations de l'ALENA.

Selon le PDG, les producteurs laitiers américains sont capables de vivre avec le système canadien à la condition que l'on abroge l'accord de classe 7 qui favorise largement les producteurs canadiens.

Pour le reste, Lino Saputo est partisan de l'adage : « On n'essaye pas d'arranger quelque chose qui fonctionne bien. »

Cela dit, le transformateur laitier a dévoilé hier des résultats financiers en recul par rapport à ceux de l'an dernier. Malgré des revenus de 3,3 milliards, en hausse de 13 %, Saputo a vu son bénéfice net chuter de 37 % à 126 millions.

La baisse des prix aux États-Unis et l'échelle internationale ont une incidence négative sur la rentabilité de l'entreprise montréalaise.

« La situation mondiale est préoccupante. Il y a surabondance de produits sur le marché et cela fait chuter les prix. On pense que le contexte va rester difficile pour les deux prochains trimestres », a expliqué Lino Saputo à La Presse en marge de l'assemblée annuelle.

Poursuivre la croissance

Les conditions difficiles actuelles sur le marché nuisent peut-être à court terme à la rentabilité de Saputo, mais elles ouvrent surtout d'immenses occasions de croissance, estime Lino Saputo.

Plusieurs transformateurs éprouvent des difficultés financières et vont devenir des cibles d'acquisitions potentielles pour le groupe.

« On a un bilan propre, on n'a pas de dette, on génère des liquidités et des profits respectables. On va tenter des acquisitions dans nos marchés aux États-Unis, en Argentine et en Australie et on va tenter notre coup en Nouvelle-Zélande et en Europe », anticipe le PDG.

Lino Saputo a passé le mois de juillet en Australie où Saputo a complété, en mai dernier, l'acquisition du transformateur Murray Goulburn (MG) et ses 11 usines, dans une transaction de 1,3 milliard.

Pour des raisons de saine concurrence, Saputo a revendu, il y a trois semaines, l'une des unités pour 244 millions.

L'entreprise MG a connu des difficultés dans le passé, alors que son volume de lait transformé a chuté de 2,5 milliards de litres à 1,9 milliard.

« Notre objectif est clair. On compte retrouver les volumes d'antan d'ici trois ans. Déjà pour le dernier trimestre, on a augmenté de 100 millions de litres nos volumes de lait transformé. »

Le PDG a passé le plus clair de son temps en Australie à rencontrer personnellement des producteurs laitiers pour les convaincre de redevenir partenaires de MG.

« J'en ai rencontré chez eux, dans leur cuisine. On a fait des réunions qui réunissaient parfois seulement six, sept producteurs laitiers, mais on a eu aussi une soirée avec 350 fermiers.

« Plusieurs sont venus avec leur famille et je leur ai présenté Saputo et exposé notre philosophie, nos engagements, nos objectifs. Je tenais à être respectueux et leur démontrer qu'ils sont importants pour nous », explique Lino Saputo.

Certains pensent que c'est beaucoup de travail que de réaliser une acquisition et qu'une fois que celle-ci est complétée, tout est terminé. Lino Saputo nous rappelle que pour réussir une acquisition, il faut travailler encore plus fort après. Le succès, ça ne vient pas tout seul.