L'accès à la justice est-il en voie de s'améliorer pour le commun des mortels? C'est en tout cas le but visé par une foule de nouvelles règles, adoptées il y a quelques jours, qui viendront bouleverser le fonctionnement des tribunaux québécois.

L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, jeudi dernier, le nouveau Code de procédure civile, censé rendre la justice «plus accessible, plus rapide, moins lourde et moins coûteuse», a souligné le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud.

Le projet était sur la table à dessin des élus depuis une quinzaine d'années et que des milliers de personnes ont participé aux discussions pour élaborer les 830 articles du nouveau Code.

Voici quelques-uns des changements qui entreront en vigueur d'ici l'automne 2015:

Plus d'efficacité aux petites créances

Un projet-pilote est prévu pour tester la médiation obligatoire et gratuite dans les litiges sur les contrats de consommation devant la Cour des petites créances, à la suite d'une demande de l'Office de la protection du consommateur (OPC). Actuellement, une des deux parties peut refuser la médiation. Selon une étude de l'OPC, 85% des consommateurs veulent recourir à ce mode de règlement quand ils ont un différend avec un commerçant. «Mais l'autre partie refuse 82% du temps», souligne Me Louis Borgeat, président de l'organisme.

Pourtant, la médiation est couronnée de succès dans la majorité des cas. Me Borgeat espère que le projet-pilote, dont les modalités n'ont pas encore été déterminées, permettra d'implanter cette façon de faire à grande échelle, ce qui pourrait réduire les délais pour obtenir justice.

La somme maximale qui pourra être réclamée aux petites créances passe de 7000 à 15 000$.

Régler les conflits avant les tribunaux

Le nouveau Code vise à changer la culture judiciaire, note Pierre Noreau. «On adopte une approche qui vise la recherche de solutions avant de se rendre devant le tribunal», dit-il.

Les parties devront considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux. Le juge pourra aussi recommander, avant qu'une affaire procède devant le tribunal, la tenue d'une conférence de règlement à l'amiable, qui peut également être réclamée par l'une des parties. Cette conférence est présidée par le juge, qui pourra homologuer l'entente qui en découlera.

En matière familiale, lors d'une rupture, les demandes des conjoints de fait portant sur leurs droits patrimoniaux pourront être jumelées à celles concernant la garde des enfants ou les obligations alimentaires, ce qui évitera de multiplier les litiges.

Sanctions contre les abus de procédures

Les juges héritent d'une nouvelle responsabilité: celle de contrôler les abus potentiels commis par l'une des parties, qui retardent les procédures et font grimper les coûts.

Au début des procédures, le juge peut demander aux parties leur plan de match et mettre le holà s'il estime qu'un avocat veut convoquer un nombre disproportionné de témoins ou d'experts.

Il pourra aussi, à tout moment, déclarer qu'un recours en justice est abusif. Les abus peuvent concerner des demandes frivoles ou dilatoires, ou l'utilisation de procédures excessives ou déraisonnables pour nuire à la liberté d'expression d'autrui ou la limiter.

Si une partie abuse de la procédure en cours de procès, le tribunal pourra lui faire payer les frais engagés par l'autre camp. Par exemple, en cas de non-respect des délais imposés, de refus sans motif valable d'offres raisonnables ou si une partie fait comparaître des témoins inutilement.

Des experts communs

Le nouveau Code de procédure favorise le recours à des experts communs, plutôt que d'obliger chaque partie à présenter ses propres expertises, ce qui devrait limiter les coûts et les délais. La facture pour convoquer un expert devant le tribunal serait donc partagée.

Qu'elle soit commune ou non, une seule expertise par discipline ou matière sera acceptée, à moins d'exception pour une affaire particulièrement complexe.

Les technologies en renfort

Les tribunaux du Québec pourront également avoir recours aux nouvelles technologies, par exemple en procédant à des interrogatoires par vidéoconférence. Ce changement a pour but de limiter les déplacements et les coûts qui s'y rattachent, notamment lorsque des témoins sont dans des régions éloignées.