On sentait presque le gaz des autobus de campagne électorale au Centre des congrès de Québec, où était dévoilé jeudi le budget, à l'intention des médias. L'opposition libérale et caquiste n'a aucune intention d'appuyer le budget du gouvernement péquiste minoritaire. Et elle ne croit même pas qu'elle aura la chance de voter.

«Vous venez d'assister au lancement d'une campagne électorale», a lancé le chef libéral Philippe Couillard.

Il est convaincu que la première ministre sabordera son gouvernement minoritaire et déclenchera des élections anticipées d'ici le 11 ou 12 mars, date de la reprise des travaux à l'Assemblée nationale après la relâche de deux semaines.

Signe qu'il s'agissait d'un exercice plus politique que budgétaire, les chefs de l'opposition donnaient la réplique au gouvernement. Ce sont habituellement les critiques en matière de Finances qui font ce travail.

M. Couillard «aurait souhaité débattre du budget à l'Assemblée nationale». Mais face à l'inévitable, il a voulu se montrer prêt au déclenchement attendu des élections par la première ministre Marois. «Qu'elle le fasse!», a-t-il lancé.  

Même réaction du chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault. «Dans l'état actuel du budget, on votera non, c'est très clair», a-t-il lancé. 

Comme M. Legault, M. Couillard dénonce le manque de transparence de l'exercice. Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, n'a pas présenté le détail des dépenses dans son budget. On ne peut donc pas savoir quelles compressions seront faites. «Le PQ a sciemment choisi de cacher la colonne de dépenses et de toute évidence confirme son intention de fuir en élection avant que la vérité apparaisse», a cinglé M. Couillard.

De son côté, Québec solidaire dénonce «l'austérité» du budget péquiste. Elle affectera inévitablement la qualité des services, croit son député Amir Khadir. Selon lui, les péquistes sont «aussi pires» que les libéraux et cèdent face à «l'élite d'affaires». Il voudrait hausser la taxe sur le capital pour les institutions financières (1,6%) et pour les autres entreprises (0,8%).    

«Musée des horreurs» des dépenses

Le nouveau budget Marceau est un «musée des horreurs du contrôle de dépenses» selon la CAQ. Dans le précédent budget péquiste, on prévoyait une hausse des dépenses consolidées (toutes dépenses confondues) de 2,3% pour cette année. Cette cible a été révisée à 3,3% l'automne dernier. Elle vient d'être révisée à nouveau à 3,7% dans ce nouveau budget. Et encore là, on pourrait dépasser la cible pour cette année financière. Après sept mois, le rythme de croissance des dépenses est de 5,1%, calcule le caquiste Christian Dubé.

«Je ne vois aucunement comment on va atteindre sa nouvelle cible», lance-t-il. M. Dubé rappelle que le vérificateur général soulignait cette semaine que près de 1,5 milliard en compressions n'ont pas encore été identifiées. Et que le gouvernement péquiste a refusé de montrer au vérificateur les dépenses projetées pour chaque ministère.

Le gouvernement péquiste annonce une nouvelle négociation avec ses fonctionnaires. La CAQ annonce ses couleurs. «C'est impensable de reprendre le contrôle des dépenses si on ne s'attaque pas au nombre d'employés (dans la fonction publique)», croit M. Legault.

Alors que les dépenses au Québec sont plus élevées que dans les autres provinces, les revenus sont inférieurs. Le chef libéral souhaiterait que le «Plan Mort» redevienne le «Plan Nord». Et aussi qu'on allège la «paperasserie» et la «lourdeur fiscale» des PME.   

M. Couillard souligne que le gouvernement péquiste a reporté de deux ans l'équilibre budgétaire, et ce malgré une hausse imprévue de 548 millions de dollars en péréquation versée par Ottawa. «J'espère que M. Marceau va au moins envoyer une carte de Saint-Valentin au ministre des Finances du Canada», a raillé M. Legault.

Indexer le tarif des CPE

La hausse du tarif des CPE, de 7 à 9 dollars en deux ans, irrite aussi l'opposition. Les libéraux et caquistes proposent plutôt d'indexer les tarifs.

Le ministre Marceau table en outre sur une hausse de 5,8% des tarifs d'électricité, qui n'a pas encore été acceptée par la Régie de l'énergie. Si elle est refusée, M. Marceau compensera en demandant à la société d'État de réduire ses dépenses. «Heille! C'est avant qu'il aurait fallu demander des efforts à Hydro-Québec», a tonné M. Couillard.

La CAQ calcule que ces deux mesures se traduiront par une facture annuelle de 500 dollars pour les familles de deux enfants. Elle présentera demain ses propositions pour alléger le fardeau des contribuables. Elle propose notamment de graduellement abolir la taxe scolaire et la taxe santé.