En acceptant de lui allonger au moins 237 milliards d'euros, les partenaires de la Grèce dans la zone euro et ses créanciers privés ont avant tout cherché à s'assurer que le pays du bouzouki soit capable d'honorer sa dette.

L'aide est assortie de conditions que d'aucuns associent spontanément à la mise en tutelle de l'État hellène. L'argent frais avancé par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) sera déposé dans un compte bloqué qui devra servir prioritairement au service de la dette et non aux dépenses de programmes du gouvernement, en santé ou en éducation par exemple.

Athènes doit aussi voter d'ici une semaine une loi qui enchâsse ce principe dans la constitution, ce qui déclenchera le protocole d'amendement constitutionnel. Il fera lui-même l'objet de débats parlementaires acrimonieux alors que des rumeurs d'élections anticipées en avril se font persistantes.

Athènes doit procéder avec diligence de manière à ce que tout soit en place pour le sommet des chefs de gouvernement de l'Union européenne (UE) des 1er et 2 mars. C'est là que doit être avalisé l'accord d'hier matin. Il vise à éviter que la Grèce fasse défaut le 14 mars sur le renouvellement de 14,3 milliards d'euros de sa dette venue à échéance.

Ce n'est qu'après que le Fonds monétaire international (FMI) fera connaître l'ampleur de sa participation. Dans le premier plan de sauvetage, il avait avancé le tiers des 110 milliards. Cette fois-ci, l'Europe en espère autant. Cela pourrait aider certains chefs de gouvernement à faire adopter chez eux le plan d'aide dont ils se portent garants.

La Grèce s'est aussi fait imposer une réforme de ses institutions, supervisée par l'Europe. La commission chargée de s'assurer que les mesures d'austérité seront mises en place est présidée par l'Allemand Hors Reinchebach qui a bien l'intention d'inculquer aux Grecs les vertus de la discipline germanique.

Athènes a remarquablement échoué à remplir ses engagements pris lors du premier plan de sauvetage, mais tout aussi remarquablement réussi à gaspiller le capital de confiance que ses partenaires ont pu avoir en elle.

Cette fois-ci, les prêteurs veulent s'assurer que la Grèce ne mettra pas davantage en péril la stabilité du système bancaire européen, premier créancier de l'Archipel et des autres pays de la zone aux prises avec une dette publique à la fois lourde et dangereuse à financer.

Selon la Banque des règlements internationaux, les banques allemandes détiennent 22,6 milliards d'obligations grecques, les françaises, 15 milliards. Les radiations qu'elles consentent ont déjà entaché leur bilan. L'Europe veut s'assurer que la situation n'empire pas.

À ces créances, il faut ajouter les prêts consentis aux banques, aux entreprises et aux ménages grecs. Quand on en tient compte, les créances des banques allemandes grimpent à 34 milliards, celles des françaises, à 56,7 milliards.

Des faillites à prévoir

Des entreprises et des particuliers grecs vont certainement déclarer faillite, étant donné la dureté des conditions exigées en échange de l'aide (baisse de 22% du salaire minimum, élimination du pécule de vacances, réduction de l'effectif de la Fonction publique, diminution des prestations de retraite et du budget de la Défense...).

Le FESF pourrait être aussi mis à contribution pour sauver les banques grecques afin de permettre à ses créanciers de souffler.

Les Grecs y verront peut-être du cynisme de la part de ses partenaires. La campagne électorale sera mouvementée, malgré le fait que les deux chefs des partis principaux de la coalition au pouvoir se sont engagés par contreseing, en cas de victoire aux urnes, à honorer toutes les conditions du plan de sauvetage conclu par le premier ministre non élu, Lucas Papademos.

Non liés, les tiers partis ne vont pas manquer d'attiser et d'exploiter la colère populaire.

Entre-temps, les décideurs politiques et technocrates européens vont plancher sur le renforcement du FESF et de son successeur, à partir du 1er juillet, le Mécanisme de stabilité financière. Il resterait environ 250 milliards dans la cagnotte du FESF, somme jugée insuffisante advenant un risque de défaut de l'Espagne ou de l'Italie. Par bonheur, les deux parviennent à bien se refinancer depuis le début de l'année.

Portugal

En revanche, le plan d'austérité imposé au Portugal par l'Union européenne et par le FMI étouffe sa croissance. Au point où on suppute de plus en plus les probabilités d'un deuxième sauvetage, même si Lisbonne s'est montrée plus disciplinée qu'Athènes.

C'est ce qui amène les eurosceptiques à croire que la Grèce aura encore besoin d'aide dans trois, quatre ou cinq ans, car l'austérité exigée étouffe davantage l'économie qu'elle ne la purge.

Bref, il est encore bien trop tôt pour sortir l'ouzo ou la retsina pour trinquer...