Choquée de retrouver ses livres chez Dollarama «à vil prix» et dans un type de commerce qui porte «atteinte à la réputation» de son oeuvre, Anne Robillard, l'auteure de la série à succès Les Chevaliers d'Émeraude, poursuit son éditeur et demande notamment au tribunal de prononcer la fin de leur relation d'affaires.

Dans une requête déposée en Cour supérieure, Mme Robillard soutient : «...il s'infère naturellement un sérieux doute quant à la qualité d'une oeuvre, et de son auteur, lorsque celle-ci est vendue à 2$ dans des magasins à rabais, qui ne sont généralement pas reconnus pour la qualité de leurs produits...»

Elle y avance que «la saga Les Chevaliers a eu, et continue d'avoir, un succès fulgurant au Québec», avec des ventes de plus de 1 million d'exemplaires, et en France, où plus de 1,2 million de livres ont été achetés.

Injonction provisoire

L'auteure a obtenu une injonction provisoire il y a une dizaine de jours et une ordonnance de sauvegarde, jeudi dernier, qui enjoignent son éditeur, Les Éditions de Mortagne (EDM), deux intermédiaires, Alima Diffusion et Rofact Distribution, et Dollarama à retirer les livres des rayons de la chaîne.

Ces injonctions ont été émises avec le consentement d'EDM et des trois mis en cause, mais sans admissions, a indiqué Christine Jutras, l'avocate de l'éditeur, à La Presse Affaires.

Le débat sur les allégations de redevances impayées et sur le sort du contrat entre EDM et Mme Robillard se tiendra plus tard.

La poursuite pilotée par Me Mathieu Renaud indique que l'auteure a appris par hasard, en décembre dernier, que des exemplaires de Les Chevaliers d'Émeraude, de Qui est Terra Wilder? et de Capitaine Wilder - deux autres de ses titres - étaient vendus chez Dollarama à 2$ pièce. Ils se détaillent en librairie entre 14,94$ et 29,95$, des prix qui sont fixés par contrat, précise la requête.

Mme Robillard a aussitôt lancé une campagne sur Facebook afin de recueillir de la «preuve» et elle a ensuite joint à sa requête plusieurs commentaires de fans outrés de constater que Dollarama solde leur oeuvre fétiche.

Clause de mévente

Mme Robillard soutient que l'entente avec son éditeur interdit cette revente à rabais puisque la clause de «mévente» qui l'aurait autorisée - si les ventes annuelles sont inférieures à 5% du tirage ou si le nombre d'exemplaires en stock dépasse la quantité requise pour les ventes sur 12 mois - ne s'est pas réalisée.

Qui plus est, EDM aurait dû l'aviser avant de se prévaloir de cette disposition, avance l'auteure.

Mme Robillard ajoute qu'elle ne comprend pas la logique commerciale de son éditeur. «Ce qui est particulièrement curieux et inexplicable dans cette manoeuvre d'EDM c'est qu'elle-même est pénalisée par la vente à vil prix d'exemplaires de l'oeuvre, au détriment des ventes à un prix régulier et commercialement raisonnable.»

De la grogne

Selon elle, le fait que ses livres soient écoulés à 2$ chez Dollarama «cause de la grogne» chez les libraires.

D'après la requête, EDM a soumis dans une réponse à une mise en demeure envoyée le 23 décembre que les livres soldés sont des retours abimés et «impropres» à la revente reçus en 2008, 2009 et 2010.

L'éditeur avancerait qu'ils sont de ce fait exempts de droits d'auteur et il aurait «sous-entendu» que la clause 8,6 du contrat «lui permet de vendre ou permet que soit vendu [sic], des volumes de l'oeuvre à un prix dérisoire».

Me Jutras soutient que les allégations de la requête sont dénuées de fondement et que son client n'a pas violé le contrat le liant à Mme Robillard. L'avocate a précisé qu'EDM a vendu les ouvrages à Alima, qui les a cédés à Rofact et que c'est cette dernière qui les a écoulés chez Dollarama.