Il est remarquable qu'après la frénésie de consommation du temps des Fêtes le calendrier financier nous indique maintenant que le temps est venu d'épargner. Épargner pour nos vieux jours, bien sûr.

La courbe démographique québécoise est en elle-même une incitation à contribuer régulièrement à son REER. Économiser tout en abaissant ses impôts de 30 % semble une proposition irrésistible.

Mais le plus curieux c'est que, d'après les plus récents sondages, seulement 5 % des Canadiens versent dans leur REER leur maximum admissible.

Et selon un sondage SOM de 2011, qui nous a été communiqué par le Fonds de Solidarité FTQ, 54 % des travailleurs n'ont jamais consulté un conseiller en placements. Et 44 % des travailleurs de moins de 30 ans ne cotisent pas dans un REER.

Nous pouvons faire plus, et ceci, à chaque étape de notre vie active. Voyons de plus près les stratégies d'épargne retraite conseillées par les experts pour chaque groupe d'âge.

Les 20 à 30 ans

À 20 ou 25 ans, tous les experts consultés le constatent, on se soucie de sa retraite encore moins que de sa dernière chemise. C'est un concept nébuleux, impalpable.

D'autant plus abstrait comme concept que le porte-monnaie des 20 à 30 ans est déjà amplement sollicité : rembourser les dettes d'études, meubler le nouvel appartement, remplacer la minoune par une vraie voiture maintenant qu'on a un emploi décent, etc.

«Pourtant, c'est pour ce groupe d'âge qu'il est impérieux de créer l'habitude d'épargner» insiste Sophie Sylvain, conseillère au développement des affaires pour gestion de patrimoine Desjardins.

«L'arithmétique élémentaire montre que les petits dix dollars mis de côté hebdomadairement sont ceux qui vont rapporter le plus parce qu'ils vont rapporter le plus longtemps.»

Pour plus de sureté on recommande la mise de côté automatique. «Les paiements pré autorisés sont les plus populaires à cet âge», confirme Josée Laframboise, planificatrice financière chez BMO. La tentation de dévoyer le petit 20 $ n'existe pas puisqu'il s'en va directement dans le REER.

On peut autoriser le prélèvement à même le chèque de paie, si l'employeur y consent. Ou on peut permettre un prélèvement automatique périodique à même le compte bancaire.

Dans certaines institutions il y a un plancher pour ces versements. À la BMO, par exemple, le minimum est de 50 $ par paiements pré autorisés.

«Ce type de cotisation est essentiel, assure Sophie Sylvain, puisque, en dépit de la modestie des montants, il atteint l'objectif premier pour ce groupe d'âge, créer l'habitude de l'épargne.»

Bon, le sage écureuil met régulièrement des noisettes de côté. À cet âge, quel type de REER convient le mieux? Nos experts offrent en gros deux possibilités.

Martin Dupras, président du conseil de l'Institut québécois de planification financière (IQPF), décrit la première approche. «Nous le savons, dans la vingtaine, épargner pour la retraite ça ne mord pas très fort, dit-il. Par contre, constituer un REER pour éventuellement acquérir sa première maison, ça, c'est très signifiant. On peut donc créer un REER afin de le transformer en régime d'accès à la propriété (RAP). On aura soin de faire des investissements très conservateurs si c'est la stratégie retenue. On peut parier sa chemise, mais pas sa maison.»

À l'inverse, l'autre stratégie recommande une approche plus risquée. «Plus on est jeune, plus on a de choix», résume Sophie Sylvain.

C'est le moment des fonds diversifiés avec un bon levier de recherche de croissance. Josée Laframboise abonde dans ce sens. «On veut se faire un portefeuille avec des fonds à forte saveur de marchés boursiers, dit-elle. Sur le long terme, malgré les grippes boursières passagères, le rendement est là.»

Il existe une pléthore de ces fonds donnant accès à tous les marchés internationaux. Un fonds de ce type pourrait aller jusqu'à 70 % d'actions contre 30 % d'obligations.

Les 30 à 40 ans

La trentaine, c'est l'âge où on se sent en contrôle de sa vie. L'emploi est stable et le revenu s'accroît. Le fardeau des dettes d'études s'amenuise où disparaît tout à fait.

«Mettez-moi tout de suite le même montant dans votre REER, implore Sophie Sylvain. Ajoutez-le aux cotisations périodiques que vous avez déterminées.»

La prise de contrôle de sa vie a un impact direct sur la stratégie REER. «Ces jeunes personnes veulent aussi contrôler leur REER et le gérer elles-mêmes, mentionne Josée Laframboise. Ils veulent se tourner vers un courtier à escompte pour épargner des frais de gestion.»

Ça peut être une excellente approche si vous connaissez bien le marché boursier ou à tout le moins un secteur de ce marché. Sinon, ou si vous n'avez pas le temps requis à consacrer à la gestion du REER, les spécialistes vous conseillent d'utiliser les conseils d'un courtier de plein exercice.

«C'est encore l'âge où on projette sur le long terme, résume Martin Dupras. Il faut donc un portefeuille à forte saveur d'actions mais avec suffisamment d'obligations pour se protéger, 50/50, vraisemblablement.»

Si l'écureuil a un peu trop fait l'école buissonnière et qu'à 35 ans il se rend compte d'un retard dans ses épargnes, Sophie Sylvain suggère l'emprunt REER. «On emprunte 5 000 $, disons. On le place dans son REER. On attend le retour fiscal avec lequel on rembourse une bonne partie de l'emprunt.»

Les 40 à 50 ans

La stratégie des 30 àa 40 ans sera, en gros, la même pendant la quarantaine. Mais on y ajoutera le premier bilan retraite.

«C'est le moment de quantifier le projet retraite, précise Martin Dupras. On évalue ce que donnera le Régime des Rentes du Québec et la pension fédérale. On mesure le capital qu'on aura accumulé et on définit le style de vie qu'on veut avoir à la retraite.»

Et souvent on réalise qu'il faut rajuster le tir. «La pire chose à faire c'est d'augmenter le risque (tout le bas de laine dans les actions «grosses promesses, gros risques»). On doit plutôt repousser un peu la retraite, épargner plus ou accepter un plus petit bas de laine.»

Josée Laframboise, comme tous les autres conseillers consultés, martèle l'axe principal de la stratégie REER des quadragénaires: «Le pied au fond de la pédale. C'est la phase d'accumulation principale. Il faut maximiser le REER. On peut encore accepter un risque raisonnable avec un portefeuille 50/50 en actions et obligations.»

De 50 à 60 ans

On est arrivé, selon Martin Dupras, «à l'âge du fignolage. On va rajuster le portefeuille vers des positions plus défensives. On va aussi achever de préciser avec exactitude nos besoins financiers de retraité.

«Et il faut se préparer pour un retrait équilibré. Car si la retraite complète n'est pas là, elle est plus proche que jamais. Je recommande donc de scinder le REER en deux portefeuilles. Le premier sera très conservateur et contient ce qu'il faut pour faire face aux dépenses des cinq prochaines années. Le second est encore inspiré des meilleures stratégies REER, le placement équilibré à long terme.»

Sophie Sylvain suggère que, dès que les versements hypothécaires sont finis, on place le même montant dans son REER. «Et c'est aussi le moment ou jamais d'y aller au maximum avec le prêt REER puisque la capacité de rembourser est optimale.»

À vos noisettes, prêts, partez!