Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, en a surpris plus d'un hier aux Communes en déclarant que le référendum-surprise annoncé lundi soir en pleine Halloween par le premier ministre Georges Papandréou pouvait être une bonne initiative.

«Si le gouvernement grec juge qu'il s'agit de la meilleure démarche pour jauger l'appui de la population, nous devons respecter cela», a dit le gouverneur pour qui la crise européenne est le principal risque que court la fragile reprise de l'économie mondiale.

Ce ton rassurant contrastait avec la panique qui s'empare des détenteurs de la dette des pays de la zone euro, celle de la Grèce et de l'Italie en particulier.

M. Papandréou doit aussi faire face d'ici vendredi à une motion de censure qui, si elle devait être adoptée, forcerait des élections générales... et attiserait l'incertitude. Sa majorité parlementaire n'est plus que de deux voix.

En récession depuis quatre ans, les Grecs débrayent et manifestent contre les dures mesures d'austérité dictées par l'Europe et le Fonds monétaire international (FMI), en échange d'une aide de 130 milliards d'euros dont une sixième tranche de huit milliards doit leur être versée ce mois-ci. Le sauvetage prévoit aussi une diminution de 50% de leur dette détenue par le secteur privé.

Paradoxalement, les Grecs veulent majoritairement rester dans la zone euro.

Le référendum doit se tenir en janvier, quand tous les détails de l'Accord européen pour le deuxième sauvetage en deux ans de l'État hellène et une augmentation de la puissance de feu du Fonds européen de stabilité financière (FESF), obtenu à l'arraché la semaine dernière, seront connus. Il serait certainement plus facile d'obtenir un oui à: Voulez-vous rester dans la zone euro? - une sorte de carte blanche à Athènes - que: Acceptez-vous les mesures d'austérité pour obtenir l'aide de l'Europe et du FMI afin d'éviter la faillite?

Les Grecs risquent fort cependant d'aller aux urnes avant la fin de l'année, créant beaucoup de tensions sur les marchés obligataires qui parient aussi sur un défaut prochain de l'Italie, troisième économie de la zone euro.

Hier soir, le premier ministre Silvio Berlusconi s'est engagé auprès de la chancelière allemande Angela Merkel à accélérer le redressement des finances publiques. Il a promis l'annonce de mesures avant la tenue du sommet du G20, qui s'ouvre demain à Cannes.

Si les tensions ne diminuent pas, l'Italie ne pourra plus emprunter sur les marchés qu'à des taux usuraires. Hier, il lui en aurait coûté 6,21% pour émettre de la dette venant à échéance dans 10 ans, soit 440 centièmes de plus que l'Allemagne. La Péninsule doit 1900 milliards d'euros à ses créanciers, soit 1,2 fois la taille de son économie.

Craignant un défaut, les prêteurs veulent se départir de leurs titres italiens. Seule la Banque centrale européenne (BCE) en achète depuis juillet, malgré la furieuse opposition des Allemands.

Entré en fonction hier, le nouveau président de la BCE, l'Italien Mario Draghi, a continué l'initiative de son prédécesseur Jean-Claude Trichet, amorcée durant l'été. La BCE ne peut acheter de la dette directement des États, ni le FESF.

Demain, M. Draghi doit aussi présider sa première réunion de politique monétaire et annoncer s'il maintient le taux directeur à 1,5%. La zone euro est entrée sans doute en récession technique à cause des plans d'austérité budgétaire de la majorité de ses États membres, mais l'inflation s'entête à rester au-dessus des 2%, la cible de la BCE.

Le coup de théâtre grec risque de faire déraper l'accord de la semaine dernière auprès des banques. Il prévoit une radiation volontaire de 50% de la valeur faciale de leurs obligations grecques.

Si la radiation devenait forcée, cela équivaudrait à un défaut de paiement. S'ensuivrait une crise financière qui emporterait plusieurs grandes banques.

Un défaut de paiement active les swaps de défaillance (CDS). Il s'agit d'une police d'assurance qu'un prêteur achète auprès d'une banque. En échange d'une prime, celle-ci s'engage à rembourser 100% de la valeur faciale du titre assuré en cas de défaut.

Cinq grandes banques américaines ont plus de 45 milliards à risque dans des CDS adossés sur les dettes grecque, italienne, espagnole, irlandaise et portugaise, les plus à risque, selon l'agence Bloomberg.

La crise européenne est encore loin d'être contenue alors que le Congrès américain doit s'entendre avant le 23 novembre (d'ici trois semaines!) sur des réductions budgétaires de 1200 milliards en 10 ans.

Combien de temps M. Carney pourra-t-il se montrer rassurant?

- Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance