L'accord européen arraché au forceps constitue une avancée importante à court terme, mais ne devrait pas permettre de juguler durablement tous les risques de contagion de la crise de la dette, estiment jeudi des économistes et analystes.

Si l'accord est connu dans ses grandes lignes, de nombreuses précisions doivent encore être apportées. Mais en l'état, «ce n'est pas le bazooka dont on a parlé, plutôt une petite mitraillette», relève Chris Wheeler, analyste de Mediobanca.

Jeudi au petit matin, les dirigeants européens, réunis à Bruxelles, se sont entendus sur le renforcement du Fonds de soutien européen (FESF), la recapitalisation des banques du continent et ont bouclé un accord avec les créanciers privés de la Grèce pour effacer une partie de l'ardoise.

Concrètement, le fonds de soutien européen verra sa force de frappe portée de 440 milliards d'euros à 1000 milliards environ.

Les banques européennes devront, elles, augmenter leurs fonds propres de 106 milliards d'euros pour calmer les inquiétudes sur leur exposition aux titres des États de la zone euro qualifiés de fragiles.

Et les créanciers privés de la Grèce vont effacer 50% de la dette qu'ils détiennent, soit environ 100 milliards d'euros.

«Les annonces d'hier ont le mérite de valider un cadre au niveau européen pour pouvoir, non pas régler la crise de la dette, mais au moins rassurer et convaincre les marchés financiers de la volonté commune à l'Europe de se construire», observe Franklin Pichard, directeur de Barclays Bourse.

La réaction des Bourses européennes jeudi en témoigne. Tous les grands indices ont enregistré de fortes hausses sur la séance, Paris, Francfort et Milan gagnant même plus de 5%.

Pour autant, «je n'ai pas le sentiment que les instruments proposés soient de nature à régler définitivement la question», estime René Defossez, analyste chez Natixis, pour qui «cela ressemble quand même un petit peu au minimum syndical».

«Si le marché était convaincu qu'on avait trouvé la solution finale à la crise de la dette européenne», les taux des obligations d'État «se seraient réalignés sur ce que suggèrent les fondamentaux du pays», souligne-t-il.

L'Italie, en première ligne actuellement, aurait ainsi vu ses taux diminuer de plusieurs points de pourcentage d'un seul coup, ce qui n'a pas été le cas jeudi.

Aucun des trois volets du plan ne convainc vraiment Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS et membre du Conseil d'analyse économique (CAE), qui s'en prend particulièrement à l'effacement d'une partie de la dette grecque.

Cet effacement «veut dire que si tout va bien, le niveau de la dette grecque sera, dans dix ans, à 120% du PIB, soit un niveau qui pose déjà problème à l'Italie aujourd'hui», explique-t-il.

Pour lui, «les vraies solutions sont connues depuis longtemps». Elles consistent à «une solidarité totale sur toute la dette de la zone euro, grâce au mécanisme des eurobonds» et à une accélération du rôle de la Banque centrale européenne (BCE), qui puisse, par exemple, prêter au FESF.

Ces deux solutions ont été refusées par les Allemands, rappelle-t-il. Le président de la banque centrale allemande, Jens Weidmann, s'est félicité que la BCE «reste en dehors du refinancement du FESF».

De manière générale, «le communiqué final (du sommet européen) occulte singulièrement le rôle de la BCE», objet de divergences importantes entre Paris et Berlin, relève Franklin Pichard.

Et «nous attendons aussi des indications supplémentaires sur la crédibilité des États, notamment l'Italie et la France, concernant leur capacité à réduire leur déficit budgétaire», prévient-il.