Déjà bien amorcée depuis quelques années, la mondialisation des services juridiques a pris un nouvel élan hier. Un des plus importants cabinets d'avocats canadiens a décidé de fusionner avec une firme britannique. Dès juin prochain, Ogilvy Renault, de Montréal, et Norton Rose, de Londres, convoleront en justes noces pour former l'un des plus grands cabinets du monde.

«On veut devenir le leader mondial des services juridiques!» a déclaré l'associé-directeur du bureau de Montréal d'Ogilvy Renault, Me Jean Bertrand, encore bien excité quelques minutes après l'annonce officielle.

Le nouveau groupe comptera plus de 2500 avocats dans 38 bureaux dans le monde et sera présent dans les plus grandes villes: Abou Dhabi, Paris, Londres, Athènes, Amsterdam, Montréal, etc. Le groupe compte plusieurs gros clients internationaux, dont la Banque HSBC et France Telecom.

Pour Norton Rose, il s'agit d'un deuxième coup d'éclat en moins de deux ans. En 2009, le groupe avait fusionné avec l'australien Deacons pour porter le nombre de ses avocats à 1800. Avec la fusion canadienne, il fait un premier pas en sol nord-américain. Mais il reste deux gros morceaux avant de compléter le puzzle: l'Amérique du Sud et les États-Unis, où le cabinet n'est pas encore présent.

«Ce sont deux marchés sur lesquels on va se pencher dans les prochains mois», dit le grand patron d'Ogilvy, John Coleman, qui se joindra au comité exécutif de Norton Rose. Comment? De la même façon que le groupe l'a toujours fait, c'est-à-dire en se rapprochant de cabinets déjà en place.

En 2009, Norton Rose a déclaré des revenus d'honoraires de 481 millions US, ce qui lui conférait le 67e rang mondial, selon le classement établi par American Lawyer. En comparaison, McCarthy Tétrault, plus grand cabinet canadien, a eu des revenus de 397 millions US. C'est loin des leaders mondiaux, comme Baker&McKenzie et Skadden, dont les chiffres d'affaires dépassent les 2 milliards de dollars. Mais c'était avant les fusions australienne et canadienne. Avec ces regroupements, les revenus devraient dépasser de loin le milliard US, affirme Jean Bertrand.

Des vrais bureaux!

Pour Ogilvy Renault, le temps était venu de prendre le virage international. De plus en plus de clients du cabinet optent pour l'étranger afin d'assurer leur croissance. En même temps, beaucoup d'investisseurs étrangers s'intéressent au Canada et ont besoin de services juridiques. Deux choix s'offraient alors: ouvrir des bureaux de représentation un peu partout dans le monde, comme le font certains de ses concurrents, ou se joindre un grand groupe. Ogilvy a fait le pari de la deuxième option.

«Avec des bureaux sur place, on va pouvoir mieux servir nos clients à l'étranger», dit Jean Bertrand. Il explique que le cabinet va continuer d'envoyer des avocats en mission à l'étranger. Sauf qu'avec le nouveau réseau, le cabinet va pouvoir véritablement les servir, plutôt que de les référer à des cabinets partenaires, comme cela se fait habituellement.

Cette stratégie ne convient pas à tous les cabinets. Marc-André Blanchard, grand patron de McCarthy Tétrault, estime préférable pour ses clients de pouvoir choisir les cabinets d'avocats étrangers selon les mandats. «En intégrant un réseau international, il y a moins de flexibilité.» Il trouve néanmoins cette fusion très intéressante pour le marché canadien.

Les dirigeants d'Ogilvy et de Norton pensent, pour leur part, que les deux firmes se complètent bien, autant sur le plan des valeurs - ce qui est très important chez les avocats! - que d'un point vue strictement business, notamment par les secteurs clés qu'elles desservent: services financiers, énergie, infrastructures, transport et technologie.

Note intéressante, l'intégration ne concerne que la pratique du droit et le développement des affaires; financièrement, les deux cabinets demeurent indépendants, ce qui veut dire que chacun garde, du moins pour le moment, son propre centre de profits.

À Montréal, la nouvelle a pris hier toute la communauté juridique au dépourvu. D'autant plus que le nom d'Ogilvy Renault disparaîtra à tout jamais après 130 ans d'existence. Car, même si le cabinet aura pour nom officiel Norton Rose OR, c'est le nom de Norton Rose qui sera utilisé commercialement à partir de juin 2011.