Les autorités viennent de démanteler un réseau de malfaiteurs qui jumelaient une double arnaque: le dépouillement illégitime des REER et la manipulation boursière frauduleuse.

Hier, quelque 120 policiers ont perquisitionné dans une quinzaine de résidences à Montréal, à Longueuil, à Boisbriand, à Sainte-Adèle et à Saint-Sauveur, entre autres. Seize personnes ont été arrêtées.L'opération a été réalisée par l'Équipe intégrée de la police des marchés financiers (EIPMF). Il s'agit d'une équipe commune de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de la Sûreté du Québec et de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Ce projet d'enquête baptisé Carrefour a commencé en décembre 2008. Il a permis de découvrir un réseau qui utilise les petites annonces de journaux locaux ou de l'internet pour inciter des investisseurs à vider illégalement leur REER, leur compte de retraite immobilisé (CRI) ou leur Fonds de revenu viager (FRV).

«Avec la récession, certains sont pris à la gorge et ont besoin d'argent. C'est ainsi qu'ils répondent aux petites annonces», a expliqué Dominique Landry, responsable de l'enquête.

Dans un premier temps, les malfaiteurs prennent le contrôle des fonds des REER, FRV ou CRI en faisant transférer l'argent dans un compte autogéré. En échange, les victimes reçoivent une somme d'environ 40% de la valeur de leur régime, parfois en argent comptant, et éventuellement des titres boursiers.

Pump and Dump

Les 60% que conservent les arnaqueurs servent à faire des manipulations boursières frauduleuses, soutient la GRC. Comment? D'abord, des membres du réseau achètent pour leur propre compte des actions de coquilles inscrites à la Bourse de croissance TSX et au NASDAQ OTC.

Ensuite, ils utilisent l'argent du régime de retraite des victimes pour acheter massivement les actions des coquilles et gonfler la valeur des titres. Une fois les titres à leur sommet, ils vendent leurs propres actions et encaissent un juteux profit. Cette opération est connue sous l'expression anglaise Pump and Dump.

Quant aux victimes, elles ont certes des actions d'entreprises en Bourse dans leur régime, mais ces actions n'ont pratiquement plus aucune valeur une fois l'arnaque complétée.

Dominique Landry n'est pas encore en mesure de connaître le nombre de victimes ni les sommes en cause. Elle estime que chaque membre du réseau pouvait recruter deux ou trois victimes par semaine, ce qui pourrait peut-être faire grimper le nombre de victimes à plus d'un millier.

Il appert que les recruteurs n'enclenchaient pas de processus de défiscalisation à moins d'avoir un REER, FRV ou CRI d'au moins 25 000$.

L'EIPMF n'a pas voulu dévoiler le nom des coquilles boursières et des personnes arrêtées. Hier, aucune accusation n'avait encore été portée, d'ailleurs. L'enquête suit son cours et les perquisitions permettront de déposer des chefs d'accusation prochainement, espèrent les autorités.

La sortie de l'EIPMF a pour but d'alerter la population. Certes, certaines victimes pouvaient être consentantes au premier volet de l'arnaque (défiscalisation du régime), mais ils ignoraient probablement la manipulation boursière.

Une première

Si l'enquête aboutit, la GRC en serait à ses premières accusations de manipulations boursières frauduleuses, indique Mme Landry. Les stratagèmes d'arnaque REER ne sont pas nouveaux, toutefois. Il y a un mois, La Presse Affaires a révélé qu'un autre réseau avait été ciblé, cette fois par Revenu Québec. Il était question d'un stratagème touchant 200 particuliers pour des sommes avoisinant les 10 millions de dollars. Le fisc réclamait alors 2,8 millions de dollars d'impôts impayés aux têtes dirigeantes, Alexandre Royer et Michel Rolland, ainsi qu'à leurs entreprises.