Le Québec est-il sur le point de perdre sa couronne de champion des prévisions budgétaires au pays? Réponse dans quelques semaines alors que l'Institut C.D. Howe mettra à jour son étude sur les prévisions des revenus et des dépenses gouvernementales. Mais l'auteur de l'étude donne un avant-goût des résultats : le déclin du champion est amorcé.

Selon la dernière étude publiée en mars 2007, les prévisions des revenus et des dépenses du Québec sont les plus exactes parmi celles des provinces et du fédéral, d'après les données des 10 dernières années. «Dans notre rapport qui sera publié bientôt, la situation ne sera pas aussi évidente», dit Colin Busby, analyste en politique à l'Institut C.D. Howe.  

L'auteur de l'étude tient aussi à relativiser la première position du Québec. «Jusqu'à il y a deux ans, le vérificateur général n'était pas d'accord avec la façon dont le gouvernement québécois comptabilisait certains chiffres, rappelle Colin Busby. En théorie, les chiffres de Québec ressemblaient à leurs prévisions, mais il faut regarder l'histoire derrière les chiffres...»

 

L'histoire derrière les chiffres, dans le cas du Québec, c'est ce déficit caché de 3,2 milliards identifié par le vérificateur général, Renaud Lachance. Ce déficit a été accumulé par le gouvernement sans avoir été inscrit dans les comptes publics depuis l'adoption de la loi antidéficit en 2001. Il résulte essentiellement du remboursement de paiements de péréquation à Ottawa, de provisions prises en retard et de certaines opérations d'Hydro-Québec.

 

Le Québec dispose aussi d'un avantage sur certaines provinces comme l'Alberta et la Saskatchewan, dont l'économie est liée au cours plus imprévisible des ressources naturelles. «L'économie du Québec est plus stable, ce qui réduit la marge d'erreur des prévisions du gouvernement», dit Colin Busby.

 

Le ministère des Finances du Québec est fier de son premier rang à ce classement. «Le résultat parle par lui-même. Le Québec est même montré en exemple dans le rapport», dit Jacques Delorme, porte-parole du ministère des Finances.

 

Le Québec en récession

Aujourd'hui, le ministère des Finances aura l'occasion de prouver que sa réputation n'est pas surfaite lorsqu'il annoncera ses prévisions économiques pour l'année 2009 dans le budget. La ministre Monique Jérôme-Forget confirmera vraisemblablement que le Québec passera l'année 2009 en récession. Dans le secteur privé, les économistes les plus optimistes prédisent que l'économie du Québec se contractera de 0,5%, tandis que les plus pessimistes s'attendent à une baisse de 2,5% du PIB québécois. «Nous travaillons avec les prévisions des économistes privés, mais nous faisons nos propres prévisions», dit Jacques Delorme.

 

Selon les calculs de La Presse Affaires, le gouvernement québécois s'est trompé en moyenne de 1,2% sur ses prévisions économiques de l'année en cours lors des 10 derniers budgets. Converti en dollars, cet écart représente environ 500 millions. «C'est un écart assez important», convient Yves Saint-Maurice, économiste en chef adjoint au Mouvement Desjardins.

 

«Sur un budget de 65 milliards, ce n'est toutefois pas ça qui va chambarder les finances du gouvernement», dit Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne.

 

Fait inquiétant: Québec a surestimé la croissance de son économie dans ses prévisions deux fois au cours des trois dernières années. Un tel écart met de la pression sur l'état des finances publiques. Quand la croissance économique est plus grande que celle prévue par le gouvernement, celui-ci se retrouve avec un coussin inattendu. «C'est généralement de bonne guerre pour un gouvernement d'être plus conservateur dans ses prévisions économiques et de sous-estimer un peu la croissance de son économie», dit l'économiste Yves Saint-Maurice.

 

Des prévisions à la baisse

L'écart entre les prévisions du ministère québécois des Finances et la réalité à la fin de l'année pourrait être encore plus important en 2009. Cette semaine, plusieurs institutions ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance pour l'économie québécoise: le Mouvement Desjardins (-2,3%), la Banque TD (-2,3%), la Banque Scotia

(-2,5%) et la Banque Laurentienne (-1,1%).

 

Cette volte-face des économistes du secteur privé survient au pire moment possible pour le gouvernement québécois, dont le budget est finalisé depuis quelques jours déjà.

«Faire des prévisions économiques n'est pas une science exacte, dit Jacques Delorme, porte-parole du ministère des Finances. En période de ressac, c'est toujours un exercice délicat. C'est d'ailleurs pourquoi il y a une mise à jour économique à l'automne. Ça nous permet de refaire le point.»