La peur du protectionnisme a largement dominé les discussions à Davos où les ministres du Commerce, réunis samedi, ont tenté de remettre sur les rails les négociations sur la libéralisation des échanges censées faire barrage aux tentations de repli.

Le Forum économique mondial (WEF) a entendu de multiples mises en garde contre un réflexe de protection des marchés nationaux face à la crise financière et économique. Mais pour beaucoup, le mouvement est déjà engagé. «Le protectionnisme a déjà commencé et va continuer», a déclaré le ministre égyptien du Commerce Rachid Mohamed Rachid après la réunion.

Le projet de Washington de protéger davantage sa sidérurgie a été considéré à Davos comme le signe le plus visible de ce mouvement et largement évoqué durant la réunion des ministres.

Pour les partisans du libre-échange, l'heure est donc davantage à la résistance qu'à l'offensive et la perspective de conclure le cycle de négociations de Doha (lancé en 2001) à l'OMC pour réduire encore les barrières douanières semble s'éloigner malgré les multiples déclarations de bonnes intentions.

Le Forum est traditionnellement l'occasion pour les ministres du Commerce de tenter une percée dans ces laborieuses négociations mais l'absence cette année de leur collègue américain -qui n'a pas encore été nommé- a rendu l'exercice très formel. Washington était représenté par son ambassadeur auprès de l'OMC.

A l'issue de leur rencontre, la vingtaine de ministres présents ont toutefois publié une déclaration commune estimant que «les progrès majeurs réalisés en 2008» fournissaient «une base solide pour une résolution rapide des divergences restantes en 2009».

Mais rien ne pourra concrètement venir avant l'été, le temps que l'administration américaine ajuste ses positions et que se tiennent les élections prévues en Inde.

La déclaration est fortement inspirée par la position des pays du Sud, menés par l'Inde, qui mettent en garde contre toute tentation des Américains ou des Européens de revenir sur ce qui a été obtenu par les uns et les autres jusqu'à présent.

Comme l'a souligné le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim ou encore le Premier ministre Gordon Brown, les principales victimes d'une vague de protectionnisme seraient les pays pauvres.

Mais les pays développés qui dépensent des milliards de dollars ou d'euros pour sauver leurs banques et soutenir leur économie vont avoir la tentation de concentrer l'effet de ces plans sur leur marché intérieur.

«Les ministres sont inquiets car ils subissent une pression politique domestique», a admis le directeur de l'OMC, Pascal Lamy lors d'une conférence de presse.

«Ce qu'ils entendent chez eux, c'est que le commerce doit être jeté aux toilettes», a-t-il poursuivi, reconnaissant «une source d'inquiétude pour eux comme pour moi».

Pour tenter de contrer cette tendance, les ministres du Commerce ont convenu de la nécessité d'intégrer les accords de Doha dans les discussions du G20 à Londres début avril.

Ils ont évoqué la possibilité d'une réunion ministérielle juste avant «pour faire valoir que le commerce n'est pas une part du problème mais une solution», a expliqué le ministre coréen Kim Jong-Hoon.

En attendant, pour parer au plus pressé et lutter «contre l'esprit nationaliste grandissant» selon les termes du ministre égyptien, les contrôles des politiques commerciales vont être renforcés dans le cadre de l'OMC.