Québec veut donner le pouvoir aux établissements de santé d'obliger les médecins à être davantage disponibles et plus productifs sous peine de sanctions disciplinaires voire de perdre leur droit d'y exercer.

«On vient faire une encoche dans l'autonomie professionnelle des médecins, c'est vrai, mais au bénéfice des patients», a affirmé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, après le dépôt de son projet de loi sur l'organisation clinique et la gestion des établissements de santé, vendredi, au dernier jour de la session parlementaire.

En vertu de la loi, un médecin n'est pas membre du personnel d'un hôpital mais bien un travailleur autonome. Pour y travailler, il doit faire une demande de nomination, et l'établissement lui demande de respecter certaines règles administratives, comme détenir une assurance responsabilité professionnelle. Il lui donne ensuite le droit de pratiquer à l'hôpital - ce qu'on appelle dans le jargon administratif les «privilèges».

Avec le projet de loi 130, Gaétan Barrette veut «donner le levier légal» aux établissements d'imposer de nouvelles obligations aux médecins au moment de leur nomination ou de leur renouvellement (qui surviendrait aux deux ou trois ans).

Par exemple, un spécialiste se verrait demander d'interpréter dans un délai prescrit les tests diagnostics. Le ministre s'est plaint que des milliers d'examens tardent à être traités. «Dans un département de radiologie, avoir 9000 examens en retard de lecture, pendant des mois, ce n'est pas possible», a-t-il dit. Il déplore également que des blocs opératoires soient «utilisés à 65% du temps disponible» seulement, faute de médecins présents. Un établissement pourrait ainsi demander à un médecin de travailler le vendredi lorsqu'un bloc opératoire est disponible. Autre exemple: on pourrait obliger un médecin à se déplacer d'un hôpital à un autre sur le territoire pour donner des soins. Certains refusent de le faire, selon M. Barrette.

Les nouvelles obligations seraient selon lui «raisonnables». Les établissements les imposeraient à un médecin après consultation auprès du conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens et du directeur des services professionnels. C'est ce qui faire dire au ministre que son approche est «sensée».

«Ce n'est pas un projet de loi qui permettrait de forcer les médecins à travailler le soir ou la fin de semaine. C'est un projet de loi qui fait que, dans l'organisation quotidienne du travail, les médecins ne puissent plus être en toute occasion libre de faire ce qu'ils veulent», a expliqué M. Barrette.

Un médecin qui ne les remplit pas recevrait une «sommation» pour corriger le tir, subirait des «mesures disciplinaires» si la situation ne s'améliore pas et, ultimement, il pourrait perdre le droit de pratiquer à l'hôpital.

Gaétan Barrette s'attend à ce que son projet de loi crée «un grand émoi dans la communauté médicale, qui va considérer que c'est une attaque frontale à leur autonomie professionnelle historique».

Pour la porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Diane Lamarre, ce projet de loi est «un constat d'échec de la loi 20», qui avait pour but d'augmenter la productivité des médecins. Son approche «menaçante et agressante» risque de provoquer l'exode de médecins vers le privé, a-t-elle soutenu.