Un hôpital psychiatrique de Québec a été condamné l'été dernier à verser 10 000$ en dommages à une patiente qui avait été placée en isolement contre son gré et attachée à son lit lors de son hospitalisation en raison de son mauvais comportement.

Une très rare cause gagnée par une victime de mesures de contention dans le réseau de la santé au Québec, estiment les experts.

La victime, une femme de 51 ans, s'est présentée en 2008 aux urgences psychiatriques de l'hôpital de l'Enfant-Jésus. Elle se sentait épuisée et déprimée. Elle venait de rompre avec son mari et vivait dans sa voiture depuis près d'un mois. Elle voyait, disait-elle, tout en noir.

Après avoir été évaluée, elle a été transférée dans une unité de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec. Diagnostic: traits de personnalité limite et stress intense dû à sa séparation et à la perte de sa maison.

Les premiers jours à l'hôpital se sont bien passés. Si bien, en fait, que le psychiatre traitant a inscrit la note suivante dans le dossier médical. «Madame ne présente pas de dangerosité et elle n'est plus suicidaire. [...] Elle veut tout simplement dormir et reprendre [sa] médication.»

C'est le lendemain que les choses ont dégénéré. Que s'est-il passé pour que la patiente finisse attachée au lit en chambre d'isolement? Les versions diffèrent. Une chose est sûre, elle n'aurait jamais dû s'y retrouver, a tranché en juin une juge de la Cour du Québec, qui voit dans l'affaire «un cas d'utilisation abusive des mesures de contrôle».

La situation dégénère

La crise a commencé lorsque la femme a demandé si elle pouvait aller chercher ses effets personnels dans sa voiture. On lui a répondu par l'affirmative, à condition que tout puisse être fouillé. Elle a accepté. Une fois venu le moment de la fouille, cependant, elle refuse que les infirmières touchent aux sous-vêtements rangés dans son sac «parce qu'ils sont souillés».

Selon la patiente, une infirmière se met à crier en exigeant qu'elle aille dans sa chambre et menace d'appeler la sécurité. Les nombreux membres du personnel qui ont été témoins de l'altercation racontent plutôt que l'infirmière était calme et polie, alors que la malade lançait des objets, qu'elle criait et qu'elle était «en furie».

Quoi qu'il en soit, on décide de l'envoyer en isolement en raison de «son attitude d'opposition, d'intimidation, son irrespect et son refus de collaborer ». «Elle était hystérique», a témoigné l'infirmière.

Entre-temps, la femme se rend au fumoir pour décanter. Des gardiens de sécurité vont la chercher et lui demandent de les suivre. Elle refuse. Elle crie. Elle s'énerve. Elle mord. Les agents doivent se mettre à quatre pour la maîtriser et la conduire jusque dans une chambre d'isolement.

Une fois dans la pièce, elle refuse d'enfiler une chemise d'hôpital. C'est le personnel qui la déshabille de force. Une fois seule, elle joue avec la trappe d'aération. On lui demande de cesser. En vain. Elle est alors transférée dans une autre chambre d'isolement, celle-là munie d'un lit avec des sangles pour l'attacher. Elle y est restée deux heures. Elle a poursuivi l'hôpital.

Selon la juge, «l'isolement et la contention sont pour elle un cauchemar qu'elle ne peut oublier et elle dit se sentir aussi traumatisée aujourd'hui qu'il y a quatre ans».

En outre, son dossier médical ne faisait état d'aucune prescription de mesures d'isolement ou de contention par le médecin. «L'attitude arrogante et défiante de madame n'est pas un cas autorisant l'isolement et une infirmière diligente se serait assurée de connaître les dispositions légales», tranche le tribunal.

Ce que dit la loi

Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitement ou de toute autre intervention. Une mesure de contrôle, soit l'utilisation de la force, de l'isolement ou de la contention, sert à empêcher une personne de s'infliger des lésions ou d'en infliger à d'autres. Étant donné l'impact majeur de telles mesures sur les droits et libertés fondamentaux, leur usage doit être minimal, exceptionnel et doit tenir compte de l'état physique et mental de la personne. Il est strictement balisé. Les intervenants peuvent recourir à l'utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle sans avoir obtenu le consentement de la personne lorsque la situation revêt un caractère urgent, qu'elle survient de façon imprévisible et qu'elle présente un risque imminent pour la personne ou pour autrui. Dans toute autre situation, soit lorsque la situation est planifiée, un consentement de l'usager, de son représentant ou de la cour est requis.