Montréal demande à l'Unité permanente anticorruption (UPAC) d'enquêter sur le fait qu'un rapport, qui constatait dès 2004 que la Ville payait ses travaux de construction de «30% à 40%» trop cher, a été dissimulé pendant huit ans.

Le contrôleur général de Montréal, Alain Bond, a présenté mercredi aux membres du comité exécutif les résultats de son enquête sur le cheminement de ce rapport qui a été caché. Ce volumineux document ne sera finalement pas rendu public, mais plutôt envoyé jeudi à l'UPAC pour que les policiers poursuivent le travail, a indiqué le maire Michael Applebaum.

«Il y a des éléments dans ce rapport qui nous laissent croire qu'une enquête interne ne suffit tout simplement pas. Nous espérons que les policiers iront plus loin dans leur enquête», a-t-il déclaré. Le tout risque également d'intéresser la commission Charbonneau, a-t-il ajouté.

Un document connu

Le contrôleur général a précisé que la seule recommandation de son volumineux rapport était de transmettre le dossier aux policiers. Pour le reste, il a refusé d'en dire davantage. Il a simplement confirmé que ses recherches avaient établi que le document a été remis à l'époque à l'ex-directeur général Robert Abdallah et à l'ex-président du comité exécutif Frank Zampino.

La chef de l'opposition, Louise Harel, s'est dite satisfaite de la décision de transmettre le dossier aux policiers. «C'était la bonne décision à prendre.» Projet Montréal appuie aussi la démarche.

Union Montréal demande pour sa part que tout le dossier soit rendu public. Le parti accuse le maire Applebaum de mener une opération de relations publiques. Alan DeSousa, ancien membre du comité exécutif, affirme que le contrôleur avait déjà présenté ses conclusions le 7 novembre, avant le changement d'administration, et que rien ne justifiait de faire appel aux policiers. «Il n'y a rien là-dedans pour considérer des accusations criminelles», estime le maire de l'arrondissement de Saint-Laurent.

Longtemps caché mais vite retrouvé

Plusieurs questions persistent relativement au parcours du rapport de 2004. Il a d'abord été commandé en 2003 avec la mise sur pied d'un groupe de travail au Service de l'approvisionnement. L'objectif était alors de réduire de 10% la facture annuelle de 400 millions des contrats de construction attribués par la Ville. Quatre ingénieurs ont pondu en février 2004 une «étude sur la gestion des risques dans les contrats de construction», dans laquelle ils ont constaté que la métropole payait ses travaux de «30% à 40%» plus cher.

L'ex-maire Gérald Tremblay affirme ne jamais avoir reçu ce rapport. Le rapport a été retrouvé seulement après une demande d'accès à l'information formulée par Vision Montréal, le 23 octobre.

En conférence de presse, mercredi, Alain Bond n'a pas voulu dire si le document a été délibérément caché. Il a toutefois précisé que le seul exemplaire encore existant du document a été retrouvé dans un classeur au quatrième étage de l'hôtel de ville, «où le rapport ne devait pas se trouver». Pour le récupérer, «on est parti à l'aveugle», a-t-il expliqué.

Pourtant, le rapport semble néanmoins avoir refait surface rapidement. En effet, le responsable de l'accès à l'information a écrit à Vision Montréal le lendemain de sa demande pour l'informer qu'il avait le document en sa possession, mais qu'il attendait un avis juridique avant de le transmettre. Le document a finalement été rendu public le 12 novembre lors d'une conférence de presse.

De plus, on ne sait pas vraiment pourquoi Guy Hébert, actuel directeur général de la Ville, n'a jamais, en huit ans, parlé de ce rapport avec les élus. Questionné à ce sujet, Michael Applebaum a simplement répondu en conférence de presse qu'il fait pleinement confiance à son directeur général.

Alain Bond n'a pas voulu préciser s'il a interrogé Robert Abdallah et Frank Zampino lors de son enquête. «On a examiné beaucoup de documents retrouvés à l'intérieur de la Ville et dans différentes communications entre fonctionnaires. On a rencontré différentes personnes et c'est à partir de ça qu'on demande à l'UPAC de continuer afin de tirer des conclusions.»