«Je n'étais pas capable d'espérer la mort d'un autre bébé pour sauver le mien.»Pour les caméras, l'Hôpital de Montréal pour enfants avait prévu un gâteau avec chandelle pour le premier anniversaire du petit Panagiotis, premier anniversaire que personne n'osait plus souhaiter célébrer.

Mais le témoignage d'Athanasios Baltzis, le père du petit, et l'émotion très sentie des médecins ont rendu bien superflue toute mise en scène.«De toute façon, il y avait quelque chose en moi qui me disait qu'un coeur transplanté, ça ne marcherait pas, a dit M. Baltzis en conférence de presse. Mon fils se battait tellement fort contre tout que je me disais qu'il rejetterait probablement un autre coeur que le sien.»

Trois fois, les parents du petit Panagiotis ont dû décider s'ils allaient de l'avant avec une intervention de la dernière chance ou s'ils laissaient mourir leur enfant.

«L'une de ces fois-là, son coeur passait de 220 à 90 battements par minute, et on nous a dit: on va le perdre si on ne le met pas sur une machine. Vous avez cinq minutes pour vous décider», évoque M. Baltzis.

Ça a été oui, mais quand M. Baltzis a vu Panagiotis branché de toutes parts, avec tout ce sang filtré qui passait par des tubes à l'extérieur de lui, il s'est effondré. «Je me suis dit: Qu'est-ce que j'ai fait à mon fils?» a-t-il dit, fondant en larmes à ce douloureux souvenir.

Ce que lui et sa femme, Nadia Valerio, ont fait à leur fils en acceptant l'installation d'un coeur mécanique, puis d'un autre quand le premier n'a plus été de mise, c'est de le sauver.

Un cas exceptionnel

Pourquoi l'Hôpital de Montréal pour enfants, qui guérit quantité d'autres enfants, a-t-il choisi de rendre public ce cas précis? Si la guérison du petit est qualifiée de miraculeuse, en quoi peut-on en induire des façons de faire dans l'avenir?

Il est exceptionnel que l'on puisse, sans transplantation, guérir un bébé si jeune qui fasse une telle arythmie après lui avoir explanté un coeur mécanique, explique le Dr Renzo Cecere, directeur chirurgical, qui s'apprête avec son équipe à proposer à une revue scientifique un article sur cette expérience. C'est exceptionnel, «mais le monde doit savoir que c'est possible».

Bien sûr, dans tous les cas, poursuit-il, on s'assure qu'il n'y a pas de possibilité de guérison avant d'aller vers la transplantation. Mais dans ce cas-ci, rien ne laissait présager une guérison du coeur, et pourtant... Dans la mesure où les coeurs à transplanter sont rares et où la prise à vie de médicaments antirejet est très lourde, la guérison de Panagiotis est significative.

C'est le père de l'enfant qui a constaté le premier que quelque chose d'étrange se passait sur le moniteur cardiaque.

«Par la force des choses, j'étais devenu expert dans l'étude des signes vitaux de mon fils et un jour, j'ai dit au médecin: C'est bizarre, c'est comme si on voyait deux pics sur l'électro.»

Les nuits blanches n'avaient pas donné la berlue à M. Baltzis. Il y avait, à l'écran, le coeur de Berlin (coeur mécanique) qui battait, et un autre coeur, celui de Panagiotis, qui avait repris du service, contre toute attente. Tout indique que le coeur de Berlin avait donné au vrai coeur le répit dont il avait besoin pour se remettre de l'arythmie subie depuis trop longtemps.

Panagiotis - surnommé «The Rock» par le personnel - devra encore subir au moins une opération, après laquelle il pourra vraisemblablement vivre sans aucun médicament.

Même si le pire est passé, le cardiologue Charles Rohlicek sent encore beaucoup de pression sur ses épaules. «Tout le monde connaît Panagiotis à l'hôpital et m'en demande tout le temps des nouvelles. Je n'ai maintenant pas le choix de le mener au moins jusqu'à ses 18 ans en pleine santé!»