La nouvelle entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre pourrait amener des médecins québécois à aller pratiquer en Ontario, a reconnu le ministre de la Santé, Yves Bolduc, vendredi.

Mais ceux qui franchiront l'Outaouais seront remplacés et surpassés par des médecins immigrants impatients de venir pratiquer au Québec, a fait valoir le ministre.

«Et de loin!», a lâché M. Bolduc, en point de presse, après avoir prononcé une allocution devant les participants à un colloque sur la collaboration public-privé en santé, à Québec.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a lancé un cri d'alarme plus tôt cette semaine à la suite de l'entente conclue entre le Collège des médecins du Québec et son vis-à-vis ontarien.

L'accord va faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre médicale entre les deux provinces en simplifiant l'obtention du permis de pratique.

La Fédération redoute un exode des médecins québécois puisque les revenus de ces professionnels, en Ontario, sont jusqu'à 50 pour cent plus élevés qu'au Québec.

Le ministre admet que certains spécialistes pourraient se laisser tenter par les conditions offertes en Ontario. Mais il ne craint nullement un exode.

«Il y a toujours un jeu qui peut arriver mais je peux vous dire qu'il y a également des médecins de l'Ontario qui viennent pratiquer au Québec», a soutenu le ministre.

M. Bolduc croit que l'arrivée de nouveaux médecins va amplement compenser les pertes éventuelles. À cet égard, il fonde beaucoup d'espoir sur les effets d'une autre entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre, celle-là entre la France et le Québec.

«On ne compte pas là-dessus pour remplir nos plans d'effectifs mais, quand j'étais en recrutement, il y a plusieurs médecins français et européens qui voulaient venir pratiquer au Québec», a-t-il dit.

De l'avis du ministre, le Québec va tirer avantage, au net, de l'entente avec la France.

«Il y a beaucoup plus de médecins qui vont venir pratiquer ici qu'il y en a ici qui vont penser à aller pratiquer en Europe», a-t-il estimé.

Du reste, malgré l'écart de rémunération entre le Québec et l'Ontario, le système de santé québécois reste «compétitif» et procure un environnement de pratique médicale enviable, a insisté M. Bolduc.

«Il faut arrêter de parler de (médecine) à rabais, a-t-il argué. Pour avoir pratiqué au Québec et en Ontario, dans le passé, je peux vous dire que le Québec offre des avantages indéniables.»

Mais l'opposition adéquiste ne partage pas l'optimisme du ministre de la Santé.

Le député Éric Caire est convaincu que l'entente signée par le Collège des médecins du Québec et le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario est une «autoroute à sens unique» vers les hôpitaux ontariens.

«Nous perdons la moitié de nos médecins formés à l'Université McGill et nous leur ouvrons une autoroute vers l'Ontario», a dit le candidat à la succession de Mario Dumont à la tête de l'ADQ.

Le député de La Peltrie prédit que de nombreux spécialistes seront tentés de traverser la rivière des Outaouais pour aller «gagner plus cher et payer moins d'impôts».

S'il veut retenir ses médecins, le Québec a tout intérêt, selon M. Caire, à permettre la «pratique mixte» c'est-à-dire à la fois dans le secteur privé et dans le système public.

Le député de l'ADQ juge par ailleurs plutôt curieux que le ministre Bolduc s'en remette à ce point à l'apport des médecins étrangers.

«On va former un médecin au Québec, on va le perdre, mais ce n'est pas grave parce qu'on va aller chercher un médecin français. Franchement, c'est loufoque», a-t-il résumé.