Raymond Bachand ne fait pas dans la contrition. Après une sortie abrasive contre son collègue Philippe Couillard la fin de semaine dernière, pas question de battre en retraite. Au contraire, il persiste et signe dans une entrevue accordée hier à l'équipe éditoriale de La Presse.

«C'est la troisième fois qu'on lui passe le message. Il nous fait des leçons de morale, d'éthique sur ce que le gouvernement a fait sur la corruption», a lancé Raymond Bachand. Philippe Couillard a clairement fait fi des mises en garde - «les équipes se parlent quand même» - en continuant de marteler que le gouvernement Charest a trop attendu avant de déclencher la commission Charbonneau.

Samedi, pendant le débat en anglais, l'ancien ministre des Finances a jeté un pavé dans la mare en s'en prenant sans ménagement à son ex-collègue Couillard. «Pendant qu'on combattait la corruption, qu'est-ce que tu faisais? Tu étais avec Arthur Porter», a lancé M. Bachand. Il s'agissait d'une allusion à l'étonnante relation entre M. Couillard et le controversé Dr Porter, ex-patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), désormais en cavale dans les Caraïbes.

«J'étais là autour de la table du Conseil des ministres, on a ajouté des gens au Revenu, on a fait adopter huit lois, de Marteau à l'UPAC, pour la plupart unanimement», a ajouté M. Bachand hier. Il soutient que Philippe Couillard l'«attaque». «Je n'ai rien dit qui ne soit pas sur la place publique», a précisé M. Bachand, à l'évidence piqué au vif.

«Je dis aux militants: comparez ce qu'on a fait dans la vie. Tu peux aller en Arabie saoudite, tu as le droit de faire de l'argent, tu peux aller dans le privé. Quand tu reviens dans le secteur public, on peut légitimement poser la question. Surtout quand il décide de mettre l'éthique sur la table», affirme M. Bachand.

Il souligne que ce débat peut même «rendre service» à Philippe Couillard. «S'il gagne, ces questions seront évacuées auprès des militants!»

Philippe Couillard s'est défendu en soutenant que son adversaire faisait «de la culpabilité par association».

«Alors qu'a-t-il fait avec Alexandre Bibeau, qu'il a écarté!», a répliqué M. Bachand. Rappelons que l'ancien ministre de la Santé a écarté son organisateur pour l'ouest du Québec après que le nom de ce dernier eut été mentionné par Lino Zambito à la commission Charbonneau.

S'il échoue dans sa tentative de succéder à Jean Charest le 17 mars, Raymond Bachand terminera son mandat comme député d'Outremont. Avec un gouvernement minoritaire, les élections surviendront rapidement, d'ici 18 mois.

Philippe Couillard affirme qu'il reviendra en politique quoi qu'il advienne - «tant mieux pour lui si vous le croyez», a laissé échapper M. Bachand.

Surtout, il met en garde les militants libéraux qui croient qu'ils auront à la fois Philippe Couillard et «le meilleur ministre des Finances». «Il y a une game qui se joue actuellement sur le terrain, on a le meilleur ministre des Finances et on ajoute Couillard par-dessus! Le meilleur des deux mondes! Je veux que les militants sachent que j'aurai [s'il perd] une décision personnelle à prendre», prévient-il.

Au passage, il affirme qu'il désapprouve l'idée d'abaisser à 16 ans l'âge minimum pour voter. En Écosse, Pauline Marois a en effet dit que cela méritait réflexion. «Spontanément, je suis contre... Cela existe ailleurs? Le Venezuela? Cuba? On vient de répondre à la question», dit-il.

Plutôt que d'échafauder des projets de loi sur les transfuges politiques - «un problème du Parti québécois, pas pour le Québec» -, Bernard Drainville utiliserait plus efficacement son temps s'il reprenait un projet de loi libéral sur le financement des partis municipaux, laissé sur le carreau.

Les débats du Parti libéral ne font pas recettes. La permanence avait choisi le dimanche à midi et demi, convaincue que c'était la seule façon d'obtenir une diffusion sur les chaînes d'information continue. RDI et LCN n'ont toutefois pas diffusé le débat et le parti s'est retrouvé «avec une bien mauvaise heure pour les militants». Les reportages sur les débats s'attachent à des broutilles et ne retiennent pas l'important.

Dimanche, M. Bachand a parlé longuement de santé, des délais intolérables dans les urgences et pour des opérations. Pour mettre fin au «système universel de souffrance», le gouvernement devrait être tenu de donner les soins, sans égard aux structures.

«Je me fous des structures de l'État à un moment donné, cela fait 15 ans que je vois des gens qui attendent 45 heures en urgence, une femme qui attend trois ans pour son opération au dos. Je me fous des explications, qu'on s'organise pour le faire», a lancé M. Bachand. Comme ministre, Philippe Couillard était «plus ouvert au privé» que le reste du gouvernement, laisse-t-il tomber.

Tous les ministres de la Santé se sont cassé les dents. Ferait-il mieux? Il répond, candide: «je ne le sais pas, mais je vais essayer».

Qu'est-ce que Raymond Bachand aurait fait de différent s'il avait été chef du Parti libéral?

Le gouvernement Charest a souvent paru intransigeant, constate-t-il. «M. Charest disait lui-même que comme Irlandais, il était parfois un peu "boqué".» Dans le conflit étudiant, «je constate que l'image que les Québécois ont eue de Jean Charest, c'était un arrogant qui ne négocie pas avec nos enfants!»

Or, assure-t-il, durant toute la crise, le gouvernement a maintenu des voies de communication et favorisé des négociations avec les étudiants, même si ce n'était pas public.