Le gouvernement Marois se serre la ceinture et limite la hausse de ses dépenses à 1,8% pour 2013-2014, une première en 15 ans. Les budgets de la Santé, de l'Éducation et de la Famille augmentent, mais plusieurs autres ministères écopent. Quels secteurs seront touchés? Difficile à dire, puisque le gouvernement ne présentera le détail des crédits des ministères que le 6 décembre.

Santé

Le gouvernement Marois maintient l'augmentation du budget de la Santé à 1,5 milliard de dollars. Il consacre 110 millions de plus aux soins à domicile pour les aînés en perte d'autonomie. Mais le gouvernement Marois renonce à créer dès maintenant son «assurance autonomie», l'une de ses promesses électorales les plus importantes. Il forme un groupe de travail pour se pencher sur la question. Les services en déficience intellectuelle et physique se voient accorder 15 millions de plus; les groupes de médecine familiale, 13 millions de plus.

Le gouvernement revoit le régime d'assurance médicaments pour dégager des économies de 336 millions. Il abolit la règle qui obligeait le Québec à payer le prix du médicament breveté pendant 15 ans même quand il existe un produit générique. Il annonce, sans autre précision, une «révision de la couverture de certaines fournitures médicales et de médicaments».

La présidente de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, Lise Denis, se dit satisfaite du budget, mais elle prévient que tout le réseau doit avoir une hausse de ses budgets de 4,8%. «Il ne faut pas pénaliser les établissements» parce que les ententes avec les fédérations médicales coûtent 500 millions de plus cette année, une hausse de 9%, affirme-t-elle.

Éducation

Québec augmente de 1,8% (182,9 millions de dollars) le budget du réseau primaire et secondaire. C'est suffisant, selon lui, pour couvrir la hausse des coûts de système, comme les augmentations salariales, et financer l'ajout promis de professionnels pour appuyer les enseignants.

Faux, rétorque la Fédération des commissions scolaires, qui est «abasourdie par l'ampleur des compressions budgétaires». Le gouvernement entend récupérer 150 millions en modifiant le programme de péréquation des commissions scolaires «pour le rendre plus équitable». Les commissions scolaires qui ont un potentiel de richesse foncière suffisant auront moins de subventions et devront «réduire les dépenses sans affecter les services», peut-on lire dans le budget. «Les commissaires pourront choisir de hausser les revenus», donc la taxe scolaire. «Il s'agit de choix difficiles, mais tous les élus doivent y faire face», ajoute-t-on. Trente-trois commissions scolaires sont en déficit.

Pour l'enseignement supérieur, la hausse du budget est de 159,2 millions (2%) et va surtout aux universités, au grand dam des cégeps. Les droits de scolarité seront déterminés au terme du sommet qui se tiendra durant l'hiver. Québec entend proposer l'indexation, qui rapporterait 50 millions par année, mais il n'en dit pas un mot dans le budget. Il ne dit pas s'il compensera le manque à gagner qu'entraîne pour les universités l'annulation de la hausse des droits de scolarité. Il annonce que, à partir de 2013-2014, il élimine les bonifications au régime de prêts et bourses annoncées par les libéraux.

«C'est un budget sans surprise. Ça laisse de la place à la discussion pour le sommet», a dit la présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec, Éliane Laberge. Son homologue de la Fédération étudiante universitaire, Martine Desjardins, trouve cependant «assez inquiétant que le gouvernement n'ait pas mis d'argent de côté» en prévision du sommet.

Québec note que le conflit étudiant a coûté 50 millions en dépenses supplémentaires.

Le volet Recherche, Science et Innovation est amputé de 37,5 millions, une baisse de 11%.

Famille

La création de 3900 places subventionnées en garderie au cours de la prochaine année fait gonfler de 31 millions de dollars le budget du ministère de la Famille. L'autre part de l'augmentation, un peu plus de 46 millions, s'explique surtout par les hausses salariales consenties aux éducatrices et le coût des ententes négociées avec les responsables des services de garde en milieu familial. Le gouvernement Marois maintient le tarif à 7$ par jour au moins jusqu'à ce que le réseau compte 250 000 places, dans cinq ans selon les prévisions.

Le Parti québécois respecte sa promesse électorale en créant un crédit d'impôt remboursable pour les activités physiques, artistiques et culturelles des enfants de 5 à 16 ans. La mesure, qui exclut les familles dont le revenu dépasse 130 000$, sera toutefois mise en oeuvre progressivement, en cinq ans. L'État remboursera 20% des dépenses admissibles jusqu'à concurrence d'une somme qui augmentera au fil des ans (de 100$ en 2013 à 500$ en 2017). Le crédit maximum sera donc de 20$ l'an prochain et de 100$ en 2017. La mesure coûtera 7 millions en 2013 et 35 millions dans cinq ans, prévoit-on.

Les autres ministères et organismes écopent



Le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée, a toute une commande sur les bras. Le budget de son ministère fond de 14%. Les compressions de 19,7 millions entraîneront notamment une restructuration des bureaux d'immigration à l'étranger. Le budget des Ressources naturelles est réduit de 22% (environ 115 millions). Une baisse d'environ 50 millions est toutefois compensée par une hausse équivalente des redevances forestières. Au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, les coupes atteignent 121,3 millions (-1,1%). On évoque l'effet «escompté «d'une baisse du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale et des «mesures d'économie», sans les préciser.

Le conseil exécutif perd 27,3 millions (-4,7%). On réduit des enveloppes consacrées à «la promotion et au développement de la région métropolitaine» et aux Affaires autochtones.

On note aussi des compressions de 58,6 millions aux Finances et de 10 millions aux Transports.

Les «entités consolidées subventionnées» - comme l'Agence du revenu, le Centre des services partagés et la Société de l'assurance automobile - subissent des coupes de 100 millions.

Taxes scolaires, hausse en vue



Le gouvernement provincial diminue ses subventions aux commissions scolaires, ce qui risque de se traduire par des hausses de taxes scolaires pour les propriétaires du 450, en banlieue de Montréal.

Les compressions se chiffrent à 150 millions sur une enveloppe d'environ 415 millions en 2013-2014. Elles atteignent 550 millions en trois ans.

Une vingtaine de commissions scolaires essuieront le gros des compressions. Ce sont des commissions de la banlieue de Montréal et Québec qui ont connu une croissance de leur assiette foncière en raison du boom immobilier.

Depuis 2006, celles-ci touchaient une aide spéciale pour compenser la hausse exceptionnelle des valeurs inscrites aux rôles fonciers. L'élimination de la subvention se fait graduellement sur trois ans.

Les commissions scolaires de Laval, Marie-Victorin, à Longueuil, des Patriotes, à Saint-Amable, et des Grandes-Seigneuries, à Candiac, sont touchées au premier chef. Si celles-ci ne parviennent pas à réduire leurs dépenses pour compenser, elles taxeront davantage leurs contribuables.

Les Montréalais sont épargnés.

La Presse Affaires avait parlé dans des articles publiés en février 2011 du caractère inéquitable de la taxe scolaire depuis les modifications introduites en 2006. Ces textes se trouvent ici et ici.

-Avec la collaboration d'André Dubuc