Un premier conflit se dessine à l'Assemblée nationale. Les sept députés adéquistes réclament un changement aux règles actuelles pour que leur parti soit reconnu comme groupe parlementaire, ce qui leur donnerait des budgets plus généreux et un temps de parole plus important en Chambre. Les libéraux ne ferment pas la porte à l'idée, mais le Parti québécois s'y oppose.

«On ne peut pas se lancer dans un exercice dit démocratique d'une élection, avoir un taux de participation de 57% des votes, et dire aux 17% des gens qui se sont déplacés pour voter pour l'ADQ que, finalement, on va vous bâillonner à l'Assemblée nationale», a affirmé le député adéquiste de La Peltrie, Éric Caire, hier, à l'entrée d'une réunion des candidats de l'ADQ élus et défaits lundi dernier.

 

Selon le règlement actuel, en vigueur depuis 1970, un parti doit faire élire au moins 12 députés ou récolter 20% des suffrages pour être reconnu comme groupe parlementaire. L'ADQ a obtenu sept sièges et amassé 16,35% des voix aux élections de lundi. Les élus adéquistes devront donc négocier avec les autres partis pour passer du statut de députés indépendants à celui, beaucoup plus avantageux, de groupe parlementaire.

Le premier ministre Jean Charest, qui a promis un «Parlement de collaboration», n'a pas rejeté la demande des adéquistes. «On veut commencer sur un bon pied. On veut prendre le temps de consulter les représentants de l'opposition», a-t-il dit avant le début de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres.

Le whip en chef du gouvernement, Norman MacMillan, est allé plus loin. «Il faut vraiment regarder ça (la demande de l'ADQ) d'un oeil positif. Il ne faut pas mettre quelqu'un sur les tablettes. Je ne suis pas d'accord avec ça», a indiqué le député de Papineau.

Son collègue de Richmond, Yvon Vallières, qui a de bonnes chances de devenir le prochain président de l'Assemblée nationale, se dit «très ouvert» à des discussions entre les partis sur cette question. «La pluralité a toujours des avantages dans un Parlement. Voyons comment les partis vont trouver des façons de fonctionner», a-t-il souligné.

De son côté, le Parti québécois rejette d'emblée la demande de l'ADQ. «Il y a une règle qui prévaut actuellement. Et (les adéquistes) sont loin du compte», a indiqué Éric Gamache, conseiller de Mme Marois. L'entourage de la chef péquiste parle d'ailleurs des élus adéquistes comme des «sept députés indépendants».

Si les adéquistes étaient reconnus comme groupe parlementaire, le PQ devrait leur céder du temps de parole, notamment à la période de questions, la tribune privilégiée de l'opposition. Un groupe parlementaire reçoit également un budget pour se doter d'une équipe de recherche. Il peut nommer un leader, ce qui donne droit à une prime.

Les adéquistes font valoir qu'une réforme parlementaire prévoit déjà de changer les règles du jeu. Selon cette réforme, déposée par le gouvernement Charest en 2004 et qui s'en va à vau-l'eau depuis, les exigences actuelles sont «trop lourdes» et «ne reflètent pas avec justesse l'appui populaire que peuvent recevoir certains partis politiques». Le nombre d'élus exigé devrait être ramené à six et le pourcentage de voix à atteindre, à 15%. L'ADQ répond à ces deux exigences. Les libéraux semblent disposés à adopter les nouvelles dispositions. Pour Norman MacMillan, la règle des 12 députés ou 20% des voix, «c'est le passé».