Une enquête criminelle sur deux élus libéraux, dont l'un serait toujours député, et un promoteur immobilier lié à la mafia italienne serait bloquée depuis 2012 alors que des accusations auraient dû être déposées, soutient le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur.

Il s'agirait selon lui d'une affaire de « fraude, de trafic d'influence, de modifications législatives en retour de contributions au Parti libéral ».

L'enquête serait complétée. « On a de la filature, de l'écoute électronique, il y a tout au dossier pour procéder », a-t-il ajouté sur les ondes du 98,5 FM. Il n'a toutefois pas présenté de preuves pour appuyer ses allégations.

Mais un « intervenant du système judiciaire » lui a confié qu'il y a blocage au dépôt d'accusations. « Ce dossier-là, si ce n'était pas deux élus libéraux, les accusations seraient déjà déposées à la cour », a-t-il affirmé.

Selon lui, « la raison pour laquelle ça sort », qu'il y a des fuites de renseignements à l'UPAC, « c'est qu'il y a un malaise. Il y a de l'obstruction, de l'interférence. Il y a plein de gens bien intentionnés, pas seulement des policiers, des intervenants dans le processus judiciaire, qui se disent : qu'est-ce qui se passe ? On fait notre travail et ça ne débouche pas », a affirmé M. Francoeur à l'animateur Paul Arcand.

Le député libéral Robert Poëti, ancien policier, trouve que les propos de M. Francoeur sont « surprenants ». « À mon avis, il est obligé d'aviser les personnes en autorité à l'UPAC ou quelque part pour aller donner l'information qu'il détient. C'est vraiment important ce qu'il a dit. Je ne doute pas, moi, de l'intégrité de M. Francoeur. Maintenant, les propos qu'il a tenus publiquement l'obligent immédiatement à rencontrer le chef de l'UPAC s'il le faut et d'aller donner cette information-là ».

« Ce qu'on a entendu ce matin est troublant. Et je vous dis, je connais M. Francoeur, je ne doute pas des propos qu'il tient », a-t-il affirmé, qualifiant le chef syndical de personnalité « crédible ».

De son côté, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) invite M. Francoeur à lui transmettre « toutes les informations qu'il détient relativement à des allégations ».

« Le DPCP réitère les critères qui guident les procureurs à porter ou non des accusations. Ces critères résident dans la capacité de faire la preuve à la Cour et sont dictés par les règles de droit et les faits applicables en toute impartialité et objectivité », a ajouté le porte-parole Jean-Pascal Boucher.

« Il y a une impression d'immunité libérale »

Pour le chef péquiste Jean-François Lisée, « il y a une impression d'immunité libérale dans nos institutions ». « Il y a un policier crédible qui dit qu'il y a un verrou libéral », a-t-il ajouté au Salon bleu.

Le premier ministre Philippe Couillard a répliqué que les propos de son adversaire constituent des « pressions politiques délibérées » sur le DPCP, « une organisation indépendante ».

« Chaque jour, on en apprend un peu plus sur le bon vieux système d'influence du Parti libéral, a soutenu de son côté le chef caquiste François Legault. Est-ce que le premier ministre comprend que toutes ces histoires fragilisent la confiance des Québécois et quand va-t-il enfin faire le ménage ? »

Aux yeux de Philippe Couillard, c'est plutôt l'opposition qui alimente le « cynisme » parce qu'elle « construit des histoires qui n'ont aucun rapport avec la réalité ».

« Pour les allégations de M. Francoeur, qu'il aille à l'UPAC, qu'il aille les déposer, et il pourra lui aussi questionner et peut-être un peu tenter d'intimider la directrice des poursuites criminelles et pénales », a-t-il lancé, une remarque qui a provoqué des hauts cris dans les banquettes de l'opposition. « M. le premier ministre, il ne faut pas prêter des intentions », a signalé le vice-président de la Chambre, François Ouimet.

Questionnée par le péquiste Pascal Bérubé et la caquiste Nathalie Roy sur les propos « troublants » d'Yves Francoeur, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a reproché à l'opposition de « remettre en doute l'intégrité des institutions ».

- Avec la collaboration de Martin Croteau