Mis à l'écart du gouvernement et du caucus libéral en raison d'une enquête sur une inconduite sexuelle alléguée, le vétéran de l'Assemblée nationale Pierre Paradis ne fera, selon toute vraisemblance, l'objet d'aucune accusation criminelle.

Selon les informations colligées par La Presse, la Sûreté du Québec (SQ) ne peut transmettre au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) des preuves pouvant étayer une plainte d'agression ni même de harcèlement à l'endroit de son ancienne chef de cabinet Valérie Roy.

L'ancien ministre a été interrogé pour la première fois par les enquêteurs de la SQ la semaine dernière. Une autre rencontre est prévue dans un avenir proche. Mais tout indique déjà que le DPCP, qui aura à prendre une décision au bout du compte, se retrouvera devant les versions divergentes de la plaignante et du politicien, ce qui mène difficilement à un verdict « hors de tout doute raisonnable ».

ENQUÊTE FORMELLE

Mme Roy avait pris un premier contact avec le cabinet du premier ministre Couillard à l'automne 2016, au moment où les accusations d'Alice Paquet visant le député Gerry Sklavounos faisaient la manchette. Elle était réapparue deux mois plus tard, avec un courriel au chef de cabinet de M. Couillard, Jean-Louis Dufresne. Après qu'elle a fait un signalement à la SQ, la police a déclenché une enquête formelle à la fin du mois de janvier, qui a entraîné l'expulsion de M. Paradis tant du Conseil des ministres que du caucus libéral.

Dans sa déposition, la plaignante n'évoque jamais de gestes violents, n'évoque aucune situation de « contrôle physique », une clé pour décrire une situation d'agression.

Quatre faits allégués par la plaignante ont déjà été divulgués : le ministre aurait dégrafé le soutien-gorge de son employée à travers ses vêtements ; il lui aurait donné une tape sur les fesses en marge d'une réception ; assis en face d'elle, il aurait pris son pied pour le mettre entre ses jambes, sur son siège ; et finalement, il lui avait demandé de lui appliquer du Voltaren, un onguent pour réduire ses maux de dos. L'événement du Voltaren semble corroboré, il avait déjà demandé la même chose à d'autres employées politiques.

« DES GESTES DÉPLACÉS »

« On est devant des gestes déplacés, pas [d'infractions] criminelles », résume une source proche de l'enquête, pour qui il est évident qu'on mettra vite de côté les soupçons d'agression. Une poursuite pour harcèlement est toujours possible selon le Code criminel. La plaignante soulignait que son patron était « achalant, insistant », mais la preuve nécessaire pour harcèlement suppose une situation toxique, sur une longue période. La question du rapport d'autorité se pose, puisque M. Paradis était son employeur, mais la fonction de chef de cabinet suppose une bonne part d'indépendance psychologique de la part d'une personne.

En outre, le dossier ne contient pas de preuve que la plaignante a été, alors qu'elle était employée, la cible de gestes malveillants ; on ne trouve pas par exemple de témoignages ou de courriels où elle se serait confiée à une tierce personne au moment des faits allégués. Pas de courriels ou de textos incriminants non plus de la part du ministre Paradis.

Il a aussi été démontré que pendant son congé de maladie, qui a duré plus d'un an, Mme Roy s'est entretenue au téléphone à de nombreuses reprises avec Pierre Paradis, une attitude étonnante pour une présumée victime, aux yeux des enquêteurs.

Pierre Paradis n'a pas quitté sa résidence de Bedford depuis le début de l'enquête - il a été momentanément hospitalisé à Montréal pour traiter les séquelles d'une grave commotion cérébrale, qui l'empêche de toute évidence de revenir à l'Assemblée nationale.