Les maires soupirent d'aise. Mais les syndicats du secteur municipal fourbissent leurs armes. Québec prépare une refonte du régime de négociation dans le secteur municipal, où l'Assemblée nationale, ultimement, décrétera les conditions de travail, a appris La Presse.

Les grandes lignes du projet de loi que dépose ce matin le ministre des Affaires municipales Martin Coiteux ont fait l'objet d'une conférence téléphonique organisée hier par l'Union des municipalités. Très majoritairement, en privé, les édiles municipaux se sont dits satisfaits de l'orientation retenue par Québec. 

Jusqu'au mois dernier, les villes avaient l'impression qu'elles obtiendraient, ultimement, le droit de décréter les conventions en cas de litige avec leurs cols bleus ou blancs. Mais Québec avait battu en retraite, expliquant que la jurisprudence ne permettait pas une telle contravention au droit de grève.

Confier cette décision à Québec permet de contourner le problème : on ne confie plus ce pouvoir par délégation, l'Assemblée est souveraine, à preuve, elle peut décréter les conventions collectives de ses propres employés, explique-t-on. Déjà, lors de la signature du pacte fiscal l'automne dernier, le ministre des Affaires municipales de l'époque, Pierre Moreau, s'était engagé à ce « qu'à la fin de la journée, ce ne soit pas un arbitre, non élu, qui décrète ». Les villes avaient accepté une diminution de 1,2 milliard de leurs transferts de Québec contre un nouveau régime de négociation avec leurs employés.

Du côté syndical, on reconnaît avoir déjà entendu parler d'un tel scénario, mais il paraissait mis de côté depuis belle lurette. Les centrales s'opposeront de toutes leurs forces à une telle orientation.

COMITÉ DE TROIS MÉDIATEURS

L'Assemblée nationale pourra décréter, après un délai prévu, quand le travail d'un comité de trois médiateurs nommés par le gouvernement sera à l'évidence dans un cul-de-sac.

En confiant la décision ultime à un élu, on présume qu'il n'aura guère d'autre choix que de privilégier la position des contribuables plutôt que des syndicats. « Imaginez des députés qui viendraient dire à la population, aux payeurs de taxes, qu'ils sont plus favorables à la position syndicale qu'à celle de la ville », sert-on pour illustrer la satisfaction des villes.

En filigrane, une partie de bras de fer s'est jouée entre les Affaires municipales et le ministère du Travail, qui fournissait jusqu'ici ces médiateurs. Le rôle du Travail a été réduit au maximum, « c'est avec eux qu'on s'est retrouvé avec des conventions collectives de 30 % supérieures au niveau municipal », a confié un membre du gouvernement.

Le ministre Coiteux n'a pas davantage fait confiance à sa propre machine aux Affaires municipales, tenue dans l'obscurité totale pour la préparation du projet de loi. L'ancien ministère de M. Coiteux, le Trésor, a surtout été interpellé.

CAPACITÉ DE PAYER DES CONTRIBUABLES

Si le comité constate qu'il n'y a pas de terrain d'entente possible avec le syndicat, c'est la ville qui demandera au ministre des Affaires municipales de déposer un projet de loi, pour décréter les conditions de travail par un vote à l'Assemblée nationale. Mais il n'est pas clair si les députés devront uniquement entériner l'ultime proposition de la ville ou s'ils approuveront les conclusions du comité. Les villes souhaitent « que ce soit « comme une lettre à la poste » pour décréter leur dernière position.

Les médiateurs devront tenir compte de nouveaux éléments dans leurs interventions. La capacité de payer des contribuables, l'équité interne, entre les syndiqués d'une même ville, et l'équité externe, avec d'autres villes québécoises, devront guider les interventions des médiateurs. « La situation fiscale de la municipalité », la capacité de payer des contribuables, ne faisait pas partie des considérations jusqu'ici.

Québec veut recycler aussi une vieille intention : augmenter de trois à cinq ans la durée minimale d'une convention collective.

Pour les policiers et les pompiers, on parle d'un arbitrage renforcé, dont les décisions seront exécutoires.