Le gouvernement Couillard nomme un vérificateur indépendant pour analyser le fonctionnement du centre jeunesse de Laval, «l'épicentre» du phénomène des fugues répétées d'adolescentes. Il compte également revoir l'encadrement des adolescents dans les centres jeunesse.

Québec convoque à cette fin les directeurs de la protection de la jeunesse et les PDG des établissements de santé. Il entend de plus se doter d'un «plan d'intervention global» pour protéger les jeunes et lutter contre les proxénètes.

Les ministres Lucie Charlebois (déléguée à la Santé) et Martin Coiteux (Sécurité publique) en ont fait l'annonce à Québec mardi, jour de rentrée parlementaire. Cette sortie conjointe fait suite à un cafouillage survenu la semaine dernière au sujet de la multiplication des fugues à Laval. Mme Charlebois avait déclaré que «manifestement il y a un réseau (de prostitution) qui s'est infiltré dans le Centre Jeunesse de Laval». M. Coiteux l'avait contredite le lendemain.

Pour Martin Coiteux, «l'urgence» de la situation au centre jeunesse de Laval commande l'envoi d'un vérificateur. Cet établissement est à ses yeux « l'épicentre » du phénomène des fugues répétées, là où il y a des «cas plus lourds». Certaines adolescentes auraient rejoint un réseau de prostitution.

«Il faut faire le constat: il y a cinq jeunes filles qui ont fugué de façon répétitive. Je ne dis pas que le Centre jeunesse de Laval n'a pas bien fait son travail. J'envoie un vérificateur pour nous assurer que les processus et les protocoles ont été respectés», a expliqué Lucie Charlebois. Le nom du vérificateur sera connu plus tard mardi. Son rapport devra être remis d'ici 30 jours.

L'encadrement dans les centres jeunesse sera également revu. Un encadrement «très strict», voire «excessif», existait auparavant, a souligné Mme Charlebois. Mais depuis huit ans, les portes des centres jeunesse ne sont plus verrouillées afin de respecter la libre circulation des jeunes. Les téléphones cellulaires sont interdits entre les murs des centres. Or les jeunes peuvent le récupérer lorsqu'ils font une sortie à l'extérieur. Des proxénètes chercheraient à entrer en contact avec elles par l'entremise des réseaux sociaux.

Mme Charlebois n'a pas voulu dire si un couvre-feu sera instauré ou encore si l'accès aux téléphones cellulaires sera proscrit. Elle attend les recommandations qui émaneront de la consultation auprès des directeurs de la protection de la jeunesse et les PDG des établissements de santé. «Tout est sur la table, a-t-elle dit. On est passé d'un encadrement intensif, vous vous souviendrez qu'il y a eu des reportages pour dire qu'il y avait de l'encadrement abusif à cette époque-là, à la libre circulation. Peut-être qu'il y a lieu entre les deux de trouver des modalités.»

Elle veut que les directeurs de la protection de la jeunesse «aient tous les outils nécessaires pour protéger le mieux possible nos jeunes». Cette déclaration n'est pas à son avis un aveu que les compressions de 20 millions de dollars ont privé les centres de ressources pour faire face au problème des fugues. «La coupure de 20 millions, c'est purement administratif, a-t-elle plaidé. Il n'y a rien dans les services qui a été retranché. Zéro, une barre.»

Lundi, le Parti québécois blâmait le gouvernement pour ces coupes et l'accusait d'avoir tabletté le rapport d'un comité pour lutter contre l'exploitation sexuelle des jeunes filles. Ce rapport n'a jamais été rendu public, disait-il. Selon la ministre Charlebois, «il n'y a aucun rapport», et il s'agit plutôt d'un «état de fait» de consultations qui ont été menées. «Je ne ferai pas de la politique sur un enjeu comme celui-là. Alors, si (Jean-François) Lisée veut se servir des jeunes filles pour faire de la politique, c'est son affaire», a-t-elle répliqué.

L'élaboration d'un «plan d'intervention globale» interpellera les forces policières et plusieurs ministères (Santé et Services sociaux, Sécurité publique, Justice, Condition féminine et Éducation). Ce plan agira sur deux fronts: la prévention et la répression. «On va travailler à faire en sorte d'optimiser nos services pour protéger davantage nos jeunes, pour mieux les sensibiliser, mais aussi pour mieux accompagner toutes les familles et faire en sorte que nous puissions, si on ne peut pas enrayer complètement le proxénétisme, à tout le moins le réduire de façon importante», a expliqué Mme Charlebois.