Le gouvernement Couillard propose des modifications importantes au régime de retraite des 541 000 employés du secteur public. Pour assurer la pérennité du régime, soutient le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. Pour accélérer les départs et faire des économies aux dépens des services publics, rétorquent les syndicats.

À l'issue d'une longue série de points de presse, lundi, une chose paraissait évidente après que le gouvernement eut rendu publiques ses offres à la table centrale de négociation: une collision est à prévoir entre le gouvernement et ses employés dans les prochains mois.

«On dirait que le gouvernement s'ennuie du bruit des casseroles», a lancé en réaction Louise Chabot, porte-parole du Secrétariat intersyndical des services publics. Les syndicats accueillent avec «une grande colère et indignation» ces propositions, «une insulte» pour les employés. Selon Sylvain Malette, le président de la Fédération autonome de l'enseignement, Québec vient par ses offres de reléguer aux oubliettes des années de progression dans ses relations de travail. À la veille des Fêtes, de telles offres témoignent d'un mépris profond du gouvernement à l'égard de ses employés, insiste-t-il. «On se demande si ce n'est pas la suite du film Le père Noël est une ordure!», a-t-il lancé.

«Si on avait moins pris le gouvernement comme le père Noël, on ne serait peut-être pas dans cette situation», a répliqué Martin Coiteux, président du Conseil du trésor. Curieusement, le ministre Coiteux est resté vague sur toutes les dispositions touchant la Sûreté du Québec (SQ). Le gouvernement s'est engagé à établir les salaires des agents sur la base de ce qui est payé à d'autres corps policiers. Aussi, il n'a pas clarifié la position de Québec sur les régimes de retraite de la SQ, payés aux deux tiers par les fonds publics. «Ultimement», après quelques années, l'objectif général reste un partage à 50-50, a-t-il dit, sans s'engager sur la ronde actuelle.

 «On aurait voulu négocier...»

En matinée, le négociateur en chef du gouvernement, Maurice Charlebois, dévoilait aux centrales la proposition gouvernementale. Une convention collective de cinq ans, qui commence par deux années de gel salarial. Une augmentation de 1% est prévue pour chacune des trois dernières années du contrat. «Un canyon» sépare les offres des revendications syndicales, observe Régine Laurent, présidente de la Fédération des infirmières. «On aurait voulu négocier...», a-t-elle laissé tomber avant de corriger en disant que les syndicats discuteront avec Québec, mais qu'il faut s'attendre à ce que leurs instances repoussent sans appel ces propositions.

Les centrales voulaient un total de 13,5% d'augmentations sur trois ans. Selon Martin Coiteux, répondre aux demandes syndicales aurait coûté 10,3 milliards de dollars sur trois ans, une augmentation réelle de 28% de la rémunération. Les offres patronales «raisonnables et réalistes» représentent la capacité de payer du gouvernement, qui n'entend pas reporter l'atteinte du déficit zéro, prévue pour le prochain budget. Les syndiqués obtiendront, le 31 mars, 1% d'augmentation négociée dans la précédente convention. En outre, 40% d'entre eux progressent encore dans les échelles salariales, ce qui représente en moyenne pour ce groupe une augmentation de 3,6%.

Retraite

C'est du côté du régime de retraite que le gouvernement fait les changements les plus profonds, même si M. Coiteux s'est bien gardé d'en préciser la portée financière. Pour «assurer la pérennité du régime», des changements fondamentaux doivent être apportés, selon lui.

Québec propose de faire passer, à partir de 2017, de 60 à 62 ans l'âge minimum pour obtenir sa pension sans pénalité actuarielle, pour les employés qui ont suffisamment d'ancienneté. Québec veut aussi que la rente se calcule sur le salaire moyen des huit dernières années d'un employé plutôt que sur les cinq dernières, comme c'est le cas actuellement. Aussi, on veut que la pénalité pour un départ anticipé à la retraite soit de 7,2% par année au lieu des 4% actuels.

Aussi, objectif plus obscur, Québec veut «instaurer un mécanisme d'ajustement automatique de l'âge d'admissibilité à la retraite sans réduction, en fonction de l'évolution de l'espérance de vie».

Pour les syndicats, il est clair que ces dispositions vont entraîner des départs massifs d'employés plus âgés, qui décideront de partir avant qu'on ne leur impose les nouvelles règles. La qualité des services, le transfert des connaissances en souffriront. Sans répondre aux questions, le ministre Coiteux a soutenu que l'objectif n'était pas de réduire les effectifs et que ces mesures ne compromettraient pas le pouvoir d'attraction du secteur public. Aussi, il a soutenu ne pas avoir de simulations, de prévision sur le nombre de syndiqués susceptibles de partir avec les nouvelles règles.

«C'est un gouvernement qui n'aime pas ses salariés, qui veut les chasser de la fonction publique, qui veut les appauvrir», a soutenu Régine Laurent, présidente de la Fédération des infirmières. Militante syndicale depuis des décennies, elle ne se souvient pas d'une ronde de négociations où les parties se sont trouvées aussi éloignées.

De l'avis syndical, avec une attaque incompréhensible envers les régimes de retraite des employés de l'État, le gouvernement Couillard va déclencher des départs massifs, «le salut sera dans la fuite», pense Mme Laurent.

Selon Serge Cadieux, secrétaire de la FTQ, ces demandes patronales sur le fonds de retraite sont injustifiables. Le REGOP, la caisse de retraite des fonctionnaires et salariés du secteur public, «est en santé, en équilibre, ne fait pas de déficits» contrairement aux régimes de certains groupes d'employés municipaux, a-t-il relevé.

Réactions des autres partis

La Coalition avenir Québec (CAQ) a désapprouvé la voie empruntée par le gouvernement Couillard. Le gel salarial «devrait être la dernière option envisagée». L'abolition de structures peut donner plus de marge de manoeuvre, selon la CAQ. «Il faut plus de flexibilité dans la rémunération des employés de l'État. La stratégie du mur-à-mur devrait être proscrite, car certaines catégories d'employés mériteraient des augmentations», observe Claude Surprenant, critique de son parti pour le Conseil du trésor.

Selon Québec solidaire, les propositions du gouvernement «sont une gifle au visage» des employés, à qui on ne propose «qu'appauvrissement et précarité». Selon Françoise David, ces «offres qui sont véritablement des demandes patronales sont complètement idéologiques et affaibliront nos services publics». Le Parti québécois n'avait pas de commentaires; il sollicite la bonne foi des deux parties dans la négociation à venir.

Selon la députée de Gouin, le gouvernement libéral est en train de «commander» une «crise sociale».