Québec annonce la mise en place d'un système à deux vitesses pour récupérer l'argent qu'on lui a volé dans les contrats gouvernementaux. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a finalement déposé un projet de loi pour permettre à Québec ainsi qu'aux municipalités de se faire rembourser par les entreprises frauduleuses.

Le projet de loi 26 diffère de celui présenté sous le gouvernement Marois. D'abord il vise l'ensemble des contrats gouvernementaux et ne se limite pas au seul secteur de la construction. Aussi il prévoit que les entreprises délinquantes devront assumer les coûts de cette opération - on prévoit une dizaine de millions pour la mise en place du bureau d'examen qui sera dirigé par une personne «neutre et indépendante», un juge à la retraite, a donné en exemple Mme Vallée.

«Avec ce projet de loi, nous agirons au-delà des intentions du gouvernement précédent, qui limitait ce programme uniquement à l'industrie de la construction. Tous les contrats publics seront maintenant sous la loupe», a souligné le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. «Que ce soit au niveau des contrats dans l'industrie de la construction ou dans le domaine des technologies de l'information, le gouvernement se donne les moyens pour que les contribuables soient dédommagés, peu importe le type de contrat», soutient M. Coiteux.

«Se mettre à table»

Dans un premier temps, les entreprises qui ont transgressé les règles pour obtenir des contrats gouvernementaux pourront volontairement «se mettre à table», dans les 12 mois suivant l'adoption du projet de loi, pour négocier le remboursement des montants soutirés à l'État. On s'inspire des «conférences de règlement à l'amiable» à la différence que le processus s'enclenchera sans qu'une accusation formelle ait été déposée.

Pour Mme Vallée, sur 20 milliards de contrats, «plusieurs dizaines de millions» pourront être récupérés ainsi, si on se fie à une expérience similaire aux Pays-Bas. Les contribuables n'auront pas à payer la note - autre différence avec le projet de loi soumis par le gouvernement Marois. Les entreprises auront à payer une surprime de 10% sur les montants versés en trop.

Les firmes seront tentées par ce règlement de récupérer leur droit de solliciter des contrats avec le gouvernement, prédit-elle. Les noms des entreprises et le montant du règlement seront rendus publics, mais pas le mécanisme de fraude avoué par les sociétés.

Pas question de faire des compromis pour les firmes qui se porteront volontaires. «Même si les entreprises acceptent de rembourser sur une base volontaire, nous ne ferons aucun compromis en matière d'éthique et d'intégrité», prévient Mme Vallée.

Économies en frais juridiques

Le responsable des discussions avec les firmes aura à analyser les offres reçues et ensuite formuler des recommandations. Des juricomptables l'épauleront. «Cette avenue est, à l'évidence, à l'avantage des deux parties. Elle permettrait à l'entreprise de faire preuve de bonne foi et de se réhabiliter, mais également elle permettrait des économies substantielles en frais juridiques tant pour le gouvernement que pour l'entreprise, en plus d'éviter d'encombrer notre système de justice» a expliqué Mme Vallée.

Les entreprises qui ne se prévaudront pas de cette opportunité s'exposent à être poursuivies par Québec qui entend donner aux organismes et ministères «des outils exceptionnels» pour leur permettre d'entamer des recours pour retrouver leur dû. Ces dispositions prévues par la loi nécessiteront pour entrer en application un autre feu vert du gouvernement.

Québec et les municipalités pourront récupérer les sommes versées en trop sur les 20 années précédentes - normalement la prescription n'est que de trois ans. En outre, lorsque la collusion ou la fraude sera constatée, la présomption sera que le gouvernement s'est fait flouer de 15%. Si la firme est reconnue coupable, elle devra payer une pénalité de 20% des sommes dues, pour couvrir les frais juridiques engagés par le gouvernement ou les villes.