La démocratie québécoise a perdu l'un de ses plus illustres défenseurs, à la suite du décès, jeudi, de l'ancien ministre péquiste Robert Burns à l'âge de 77 ans.

Le Parti québécois a fait savoir vendredi que M. Burns est décédé à la maison de soins palliatifs Source bleue, à Boucherville.

Élu parmi les premiers députés péquistes de l'histoire en 1970, Robert Burns a piloté de nombreuses réformes qui ont contribué à assainir la vie politique québécoise, dont la réforme du financement des partis politiques. Député de Maisonneuve, il occupa plusieurs fonctions à l'opposition, et fut ministre dans le premier cabinet de René Lévesque.

Il est considéré comme le père de la Loi sur le financement des partis politiques, qu'il fit adopter en 1977 en tant que ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire. Cette loi a été la première à interdire aux entreprises de financer un parti politique.

Avocat de formation spécialisé dans les droits des travailleurs, il a aussi été plus tard juge de la Cour du Québec, affecté au Tribunal du travail, de 1980 à 2001.

La famille de M. Burns a précisé que les détails concernant la cérémonie funéraires seront communiqués ultérieurement.

L'ancien premier ministre Bernard Landry, qui a pu voir son ancien collègue quelques jours avant sa mort, a rappelé vendredi le rôle de Robert Burns dans l'adoption de lois progressistes pour le Québec: la réforme du financement des partis politiques, bien sûr, mais aussi la loi antibriseurs de grève, en plus de mesures pour les accidentés du travail et de saines négociations dans le secteur public.

Homme de gauche - il avait été permanent à la CSN -, Robert Burns «a été un des piliers de fondation du Parti québécois», ce qui «confirme ce qu'on a dit à plusieurs reprises: le PQ était alors une sorte de coalition droite-gauche», a indiqué M. Landry en entrevue.

«C'était un agent important d'équilibre social et de répartition de la richesse», a conclu M. Landry, qui était ministre de l'Économie lorsqu'il a côtoyé Robert Burns au cabinet à partir de 1976.

Le premier ministre Philippe Couillard a pour sa part qualifié M. Burns de «grand défenseur de la démocratique québécoise».

«Robert Burns était un homme intègre, qui avait à coeur l'assainissement des moeurs politiques. Il laisse au Québec un héritage précieux, car en plus d'avoir consacré ses énergies à défendre les droits des travailleurs, il a donné au Québec la loi sur le financement des partis politiques», a ajouté M. Couillard dans un communiqué.

Du droit à la politique

Né à Montréal d'un père anglophone et d'une mère francophone, Robert Burns s'est porté tôt à la défense des travailleurs. Après des études en droit, il devient conseiller juridique à la CSN.

En 1970, il accepte d'être candidat péquiste dans la circonscription de Maisonneuve. «Ce sont des militants péquistes et syndicaux qui m'ont approché. Bizarrement c'était pour contrecarrer la candidature (du fondateur du RIN) Marcel Chaput qu'on ne voyait pas député d'un comté ouvrier», a raconté M. Burns à l'émission Mémoires d'un député sur les ondes du canal de l'Assemblée nationale.

Il sera élu, devançant son plus proche adversaire par 4607 voix, la plus grosse majorité parmi les sept députés péquistes vainqueurs en 1970.

Après un début modeste, il se transforme en parlementaire redoutable lors des débats. «Mon côté revendicateur m'a été utile dans la bataille quotidienne à l'Assemblée nationale», a-t-il mentionné.

Figure emblématique de l'aile gauche du PQ, il s'oppose à de nombreuses reprises à son chef René Lévesque. Il sera le seul membre du caucus à participer à une manifestation d'appui aux journalistes en grève du journal La Presse qui se transformera en une émeute. Il dénonce notamment les liens présumés entre l'entourage politique de l'ancien ministre Pierre Laporte et des membres de la mafia.

Il est réélu en 1973 mais il ne sera pas nommé chef de l'opposition, René Lévesque préférant nommer Jacques-Yvan Morin. Il demeure un chien de garde vigilant. «Cette attitude agressive a contribué à démontrer les failles du gouvernement (de Robert Bourassa)», pensait M. Burns en 2006.

Peu avant les élections de 1976, il fait partie des députés qui contestent M. Lévesque, lui reprochant notamment ses absences aux réunions du caucus et de les contredire publiquement. De son propre aveu, les relations «d'amour-haine» entre les deux hommes ont toujours été compliquées. La contribution de Robert Burns aux réformes démocratiques fera d'ailleurs partie des choses qu'oubliera René Lévesque dans ses mémoires.

Le 15 novembre 1976, ces querelles sont oubliées et les électeurs de Maisonneuve lui renouvellent leur confiance. Et, à sa grande surprise, le PQ forme le gouvernement. Il se dit alors disponible pour occuper tout poste que voudra lui confier René Lévesque, tout sauf ministre du Travail en raison de ses liens trop étroits avec le milieu syndical.

M. Lévesque le nomme leader du gouvernement et ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire. Il sera responsable de la réforme sur le financement des partis politiques qui mettra fin aux caisses occultes.

Trois décennies plus tard, M. Burns demeurait fier de cette loi mais, sans illusions sur les hommes, il croyait qu'elle pouvait être améliorée. «Peut-être qu'elle a besoin d'être améliorée, peut-être que les contrevenants, les personnes qui sont des prête-noms de compagnies, s'il en est, peut-être qu'on devrait les viser par une amende beaucoup plus importante pour les dissuader de poser ces gestes-là», avait-il confié à La Presse Canadienne, en 2010.

S'inspirant des comités parapluies du système britannique, il parraine aussi la loi sur les référendums. «Notre préoccupation était de trouver le même équilibre qu'à une élection», a-t-il souligné. Malheureusement, tous les acteurs politiques ne se sentiront pas liés par la loi. «On pensait que le gouvernement fédéral serait suffisamment gentleman pour accepter les règles du débat mais ce n'est pas ce qui est arrivé.»

Avant le référendum, il prône l'adoption d'un projet de loi simple sur l'accès à l'indépendance, qui devrait être approuvé par la population. Il ne sera pas écouté. «On a essayé d'accommoder tout le monde (au sein du PQ) mais quand on essaie (cela), on dilue beaucoup sa position.»

Il parvient aussi à imposer la télédiffusion des travaux de l'Assemblée nationale.

M. Burns était aussi favorable à une forme de scrutin proportionnel mais ne parviendra pas à convaincre le gouvernement à adopter une telle réforme.

À la suite d'une crise cardiaque, M. Lévesque lui retire son poste de leader parlementaire pour le confier à Claude Charron. M. Burns quitte la vie politique en août 1979, pour des raisons de santé. Mi-Cassandre, il prédit, dans une interview à La Presse Canadienne, la défaite référendaire et la non-réélection du PQ aux élections subséquentes. Ce que René Lévesque appellera «le coup de pied de l'âne» dans ses mémoires.

«J'étais aussi un peu déçu de l'allure que prenait notre cheminement vers l'indépendance», reconnaîtra M. Burns en 2006.

L'année suivante, il est nommé juge au tribunal du travail, poste qu'il occupera jusqu'à sa retraite en 2001.