« Surpris » que les revenus de l'État soient plus faibles que ceux prévus par le gouvernement Marois, le ministre des Finances, Carlos Leitao, remet en question la promesse libérale de retrouver l'équilibre budgétaire en 2015-2016.

« C'était un engagement, oui, mais on va voir quel est l'état actuel des finances publiques », a affirmé M. Leitao à l'entrée d'une réunion du caucus libéral jeudi. Et cet état est préoccupant, selon lui.

« La situation est un peu plus difficile du côté des revenus. Honnêtement, (...) je suis un peu surpris de voir que l'impôt sur le revenu des entreprises est plus faible qu'il y a à peine deux mois », au moment du dépôt du budget Marceau, a lancé l'ex-économiste en chef de la Banque Laurentienne. La croissance des revenus tirés de l'impôt des particuliers et de la TVQ serait stable selon lui.

Alors que le gouvernement Marois avait prévu un déficit de 2,5 milliards pour 2013-2014, l'année financière qui vient de se terminer, M. Leitao reconnaît qu'un chiffre plus élevé, 3,3 milliards, « circule » dans les officines gouvernementales, comme l'avait révélé La Presse. « Mais je n'ai pas vu comment on arrive à ce chiffre-là », a insisté le ministre nommé mercredi.

Et ce déficit plus élevé change-t-il les plans du gouvernement par rapport à ses promesses électorales ? « On s'était engagé à remettre la barque sur le bon chemin, et c'est ce qu'on va faire », a-t-il répondu.

Le gouvernement Couillard maintient toujours l'objectif du retour au déficit zéro, mais l'échéancier pourrait être plus long que prévu. M. Leitao déposera son premier budget, pour l'année 2014-2015, « au début de juin ».

« On vise toujours l'équilibre budgétaire, oui. Ça va dépendre en partie du vrai état des résultats (NDLR les finances publiques) qui est en train de se faire au moment où on se parle », a dit le ministre questionné sur le respect de l'échéancier de 2015-2016.

La promesse libérale, a-t-il tenu à préciser, « c'est un engagement ferme de rééquilibrer le budget. On va voir comment on va le faire. Je dois discuter avec mes collègues du conseil des ministres, je n'ai pas été nommé empereur du Québec! Je ne suis que le ministre des Finances, et il va falloir consulter tout le conseil des ministres pour décider de ces choses-là ». Le cabinet Couillard se réunit pour la première fois jeudi.

Engagement remis en question

Philippe Couillard a donné le mandat au Vérificateur général de dresser un portait des finances publiques. En campagne électorale, et après des mois de tergiversations sur l'échéancier du retour au déficit zéro, Philippe Couillard a promis l'équilibre budgétaire en 2015-2016 peu importe les « trouvailles » que ferait le Vérificateur général. Il jugeait son cadre financier « réaliste ».

Son cadre financier serait « révisé en tenant compte des trouvailles du Vérificateur général, s'il y en a », mais cela ne remettrait pas en question ses engagements, disait-il. Les promesses du Parti libéral « vont se réaliser. S'il faut faire encore plus d'efforts de rationalisation, on le fera. On n'ira pas demander aux contribuables de mettre la main dans leurs poches davantage. On va atteindre nos objectifs, on va remplir nos engagements. S'il faut aller plus loin dans le contrôle des dépenses, ce sera ça notre choix en réponse à ce que le Vérificateur général nous dira », expliquait M. Couillard.

« Il va falloir se questionner sur la pertinence de tous les programmes sociaux, des dépenses de programmes qu'on a pour voir si c'est encore pertinent ou pas, et voir si on peut changer les choses. On ne va pas faire des réductions de dépenses paramétriques où on dit : chaque ministère, moins X pourcent. On va revoir programme par programme pour voir si c'est encore pertinent de maintenir cela », a-t-il expliqué. Au Québec, « les dépenses excèdent les revenus. Il va falloir arrimer les dépenses avec les revenus qu'on peut normalement espérer retirer de l'économie ».

Philippe Couillard a lancé un avertissement clair lors de la prestation de serment de son conseil des ministres : « L'heure n'est plus aux mesures marginales ou cosmétiques, le moment des décisions difficiles est venu ».

Le budget et New York

Carlos Leitao entend se rendre à New York après le dépôt de son budget afin de rencontrer les agences de notation. « On a vu depuis 2009, surtout en Europe, ce qui peut se passer quand les finances publiques d'un pays ne sont pas équilibrées. On a vu à quelle vitesse les marchés peuvent se tourner contre ce pays-là. Nous ne sommes pas là, nous ne sommes pas dans une situation semblable, mais nous ne voulons pas y aller », a-t-il dit.

« Pour s'assurer qu'on maintienne la cote de crédit et l'accès privilégié que nous avons toujours aux marchés », le gouvernement du Québec doit « démontrer qu'on a la capacité » de rééquilibrer les finances publiques « sans qu'on nous impose des mesures ».« On n'est pas en train de couler du tout. Il y a des défis structurels, et nous étions déjà au courant de ces choses-là. Ce sont des choses qu'on peut régler. On maintient encore la marge de manoeuvre nécessaire pour pouvoir remettre la barque sur le bon côté », a-t-il ajouté.