Vous voyez des sondages, le mois dernier, aujourd'hui, demain ou la semaine prochaine. Tous constatent que les Québécois sont majoritairement insatisfaits du gouvernement. Sachez que chez Pauline Marois, on ne les croit pas. Cela va beaucoup mieux, le portrait est beaucoup plus positif que ne le montrent Léger Marketing et CROP.

Au Parti québécois, on prête davantage foi aux sondages internes, menés par Repère, et analysés par Pierre Drouilly et Pierre-Alain Cotnoir. Dans ces enquêtes, la chef péquiste devance clairement Philippe Couillard, les francophones sont fidèles au rendez-vous, mobilisés par la Charte de la laïcité. Mais confrontée cet automne à la décision irrévocable - déclencher des élections ou pas -, curieusement, Mme Marois a vite écarté ce scénario jovialiste et joué de prudence. Tous sont convaincus que la campagne électorale a failli être déclenchée, mais on a estimé en haut lieu que le gouvernement n'avait pas un élan suffisant.

Budget hâtif prévu

On se retrouvera en février. Pauline Marois ne prorogera pas la législature pour un nouveau «message inaugural». La formule a été testée récemment par Stephen Harper, et elle a entraîné un ressac. Dans l'entourage de Mme Marois, on prévoit déjà un budget hâtif, dès mars. L'opposition du PLQ étant prévisible, les yeux se tourneront alors vers les députés de la Coalition avenir Québec et leur chef François Legault. Ce dernier s'est forgé une solide réputation de kamikaze - à peine le PQ venait-il de recevoir la pire raclée de son histoire, en 2007, que le député de Rousseau, le couteau entre les dents, voulait sur-le-champ renverser le gouvernement Charest. Cette fois, il aura à composer avec son propre caucus - au vu des sondages actuels, on pourrait compter sur les doigts d'une seule main les caquistes réélus: pour la majorité d'entre eux, leur emploi actuel est le meilleur qu'ils auront de leur vie. Personne ne sera pressé de renverser le gouvernement.

Proximité

On avait, vendredi, un avant-goût de cette proximité soudaine de la CAQ et du gouvernement avec le feuilleton rocambolesque du projet de loi sur les mines. Présenté à la dernière minute, il est le fruit de négociations entre le caquiste François Bonnardel et le leader parlementaire péquiste Stéphane Bédard - la ministre Martine Ouellet a été laissée en ligne de touche.

Mais comme souvent cet automne, la machine parlementaire s'est enrayée. Les députés devront revenir la semaine prochaine pour finaliser l'adoption. De même, on aura «manqué de temps» pour faire adopter des projets de loi pourtant majeurs, comme celui de Véronique Hivon sur l'aide médicale à mourir et le projet de loi mammouth de Bertrand St-Arnaud, le nouveau code de procédure civile.

Élections printanières

Vendredi, Mme Marois soutenait qu'elle ne songeait pas à des élections printanières, bien que ce soit le scénario privilégié chez sa garde rapprochée. «On a beaucoup de plats au feu, mon seul scénario est de servir les Québécois», a-t-elle martelé. Mais on voit la série de réformes bloquées: la Charte de la langue française, la Banque de développement économique, et probablement la Charte de la laïcité, quand, en mars, le projet de Bernard Drainville émergera de huit semaines de consultation générale.

Si elle le désire, Mme Marois aura alors beau jeu de dire que, justement, pour servir les Québécois, elle a besoin d'un mandat majoritaire. Le prochain budget suppose d'autres coupes sombres dans les dépenses, alors que durant tout l'automne, pour grimper dans les sondages, le gouvernement a multiplié les annonces coûteuses. Le ministre Marceau a franchement admis qu'il s'était «trompé pas mal» et avait été «pas très bon» dans ses prévisions. Ceux qui décident de la cote de crédit du Québec seront peut-être du même avis au printemps, un coup dur en campagne électorale.

Changements chez les libéraux

Côté libéral, des changements importants sont à prévoir. Vendredi, Philippe Couillard a passé le plus clair de son bilan de fin de session à se faire poser des questions sur ses «erreurs» de parcours: volte-face sur l'équilibre budgétaire, ouverture subite aux propositions du rapport Bouchard-Taylor sur le port de signes religieux. Les péquistes ont fait des gorges chaudes des «Philippe-flops». «Des enfantillages», réplique-t-il, expliquant qu'il préférait s'adresser «à l'intelligence et au jugement» des électeurs. Son intelligence ne fait pas de doute, son habileté politique si. À Ottawa, les Stéphane Dion et Michael Ignatieff se sont cassé les dents, ici, le PLQ a eu Claude Ryan. Les militants libéraux risquent de s'ennuyer rapidement des répliques cinglantes et parfois démagogiques d'un Jean Charest. La fronde de Fatima Houda-Pepin a altéré son image - des députés attendent désormais que le PLQ jette du lest et se rapproche de Bouchard Taylor sur le port des signes religieux.

Philippe Couillard a une carte à jouer: il est rassurant, sans surprise. Un peu comme Robert Bourassa. C'est d'ailleurs un vétéran de la période Bourassa que Philippe Couillard a choisi comme chef de cabinet. Jean-Marc Fournier, le chef parlementaire intérimaire, deviendra whip. Mais Couillard ne peut se permettre de déloger Pierre Moreau, qui a étonné tout le monde en terminant deuxième lors de la course au leadership. Avec les faux pas du chef, son manque de vindicte prévisible dans les débats, les révélations embarrassantes de la commission Charbonneau, les stratèges libéraux sont plus inquiets que leurs vis-à-vis péquistes. C'est parfois salutaire.