Le gouvernement Charest veut intimider les journalistes et faire taire leurs sources en demandant une enquête sur la fuite d'informations dans l'affaire Davidson, accuse l'opposition.

Selon la députée de la Coalition avenir Québec (CAQ) Sylvie Roy, le gouvernement «utilise les forces policières» à des fins politiques. «Et ça, les policiers en ont ras le bol. Ils sont assez excédés d'avoir à répondre à des pressions politiques», a-t-elle affirmé en conférence de presse à Québec, hier. Mme Roy dit avoir eu des confidences de policiers en ce sens. «Je discute avec des policiers moi aussi. Je ne sais pas si je vais être sur écoute électronique», a-t-elle laissé tomber.

Selon elle, les membres du gouvernement sont «dans un état de panique parce que les journalistes les poussent à bouger, savent des choses, et que ça les oblige à réagir devant l'opinion publique. Je pense que c'est une manoeuvre d'intimidation face aux journalistes». «Demander d'enquêter sur les sources des journaux, c'est parce que [le gouvernement] en a assez», a-t-elle ajouté.

La stratégie du gouvernement est à ses yeux cousue de fil blanc. Sylvie Roy a rappelé que le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, se garde toujours de commenter les enquêtes policières. Or, cette fois, il en annonce une sur la place publique. «On prend tous les médias écrits et électroniques, on annonce d'avance qu'on va les mettre sur écoute électronique. À quoi ça sert, ça? Ce n'est pas à faire une enquête, c'est à faire de l'intimidation», a affirmé Mme Roy.

Selon la CAQ, le gouvernement devrait plutôt enquêter sur «les fuites qui vont vers le crime organisé».

Le porte-parole péquiste en matière de sécurité publique, Bertrand St-Arnaud, croit lui aussi que le gouvernement devrait tenter de faire la lumière sur les décisions prises par le Service de police de la Ville de Montréal dans le cadre de son enquête plutôt que d'«intimider» les sources des journalistes.

La décision du gouvernement est digne d'une «république de bananes», a-t-il lancé en conférence de presse à Montréal.

«Nous sommes renversés par cette décision. Pourquoi cette diversion? Est-ce qu'on a quelque chose à cacher? Qu'est-ce qu'il y a dans l'affaire Davidson qu'on ne souhaite pas que la population sache?», s'est questionné M. St-Arnaud.

Le député de Chambly se demande si la police de Montréal a tenté d'étouffer l'affaire. «Ce n'est pas banal et c'est probablement unique dans l'histoire de la police dans le monde entier qu'un individu quitte le service de police avec une liste contenant des milliers de noms d'informateurs et se mette à se promener dans le décor en tentant de monnayer cela auprès du crime organisé, mettant en péril la vie de centaines de personnes, a-t-il affirmé. Comment a-t-on réagi à la police de Montréal entre le mois d'avril, où l'on apprend cette information, et le mois d'octobre, où l'on intercepte [Ian Davidson] à l'aéroport de Dorval? Est-ce que les policiers l'ont interrogé? Pourquoi l'a-t-on laissé circuler dans le décor avec cette liste pendant des mois?»

Il trouve par ailleurs préoccupante la possibilité que des reporters soient mis sur écoute électronique. «Le ministre n'a balisé d'aucune façon sa demande d'enquête auprès de la Sûreté du Québec, déplore-t-il. Les policiers qui vont faire cette enquête ont tous les pouvoirs qui sont permis par la loi à cet égard. Ça pose des questions extrêmement préoccupantes.»

Il a rappelé que c'est grâce aux gens qui ont accepté de se confier aux journalistes sous le couvert de l'anonymat que le scandale des commandites et celui de la collusion dans le monde de la construction ont été étalés au grand jour.

Le Parti québécois estime que le gouvernement Charest devrait mettre sur pied une commission d'enquête publique sur l'affaire Davidson.

C'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) qui a demandé au ministre Dutil de déclencher cette enquête. «De voir le DPCP intervenir là-dedans, je vous avoue qu'on ne comprend absolument rien», a dit le député St-Arnaud.