La ministre Christine St-Pierre n'assume pas ses responsabilités de protectrice de la langue française au Québec, selon le député péquiste Pierre Curzi.

Le ton était à l'invective et l'émotion à fleur de peau, mardi, lors de l'étude des crédits budgétaires consentis à l'application de la Charte de la langue française.

Dans un dialogue de sourds, le député de Borduas et la ministre responsable du dossier se sont affrontés sans ménagement, s'accusant à tour de rôle de tous les torts, sur fond de défense du français.

D'entrée de jeu, dans ses remarques préliminaires, au lieu de défendre les budgets consentis à la promotion de la langue, la ministre St-Pierre a piqué au vif M. Curzi en se lançant dans une charge contre les mesures linguistiques, selon elle radicales, adoptées par les membres du Parti québécois, réunis en congrès national le week-end dernier à Montréal.

Elle a taxé le PQ d'intolérance en matière de langue, notamment pour ce qui est d'imposer la loi 101 au cégep, une idée «saugrenue», et d'avoir «manigancé» pour ramener l'unilinguisme dans l'affichage commercial.

Pour les péquistes, «c'est le bâton, on suspend les libertés individuelles, pis envoye donc. C'est ça leur position!», a-t-elle martelé.

Visiblement contrarié, M. Curzi a haussé le ton lui aussi, en alléguant que la ministre faisait preuve de déni quant au déclin du français à Montréal et qu'elle plongeait sa «tête dans le sable».

Il a dit que l'accusation de radicalisme, proférée à répétition par les libéraux pour qualifier les positions péquistes sur la langue, était devenue un «buzzword».

En français, «buzzword» se dit «mot d'ordre», a répliqué la ministre.

Le député Curzi juge que Mme St-Pierre contribue par son inaction «à la bilinguisation de Montréal», et de ce fait manque à son devoir d'État.

«Je dis qu'actuellement la ministre n'assume pas ses responsabilités», a-t-il tonné.

«On est toujours trop radical pour ceux et celles qui ne veulent rien faire, pour ceux et celles qui baissent les bras», a ajouté M. Curzi, qualifiant de «mollassone» l'attitude générale de la ministre, en faisant référence notamment à la loi 103 sur les écoles passerelles et à la décision annoncée d'imposer l'enseignement intensif de l'anglais en 6e année.

Sur le ton de l'ironie, il a félicité la ministre pour avoir reçu, le jour même, le Prix Autruche décerné par le Mouvement Montréal français à Mme St-Pierre pour s'être distinguée «par son aveuglement volontaire».

Mme St-Pierre a paru excédée par l'attitude de son adversaire «qui se drape dans son grand drapeau», selon elle.

En matinée, un autre député péquiste, Yves-François Blanchet, avait eu droit aux remontrances de la ministre.

M. Blanchet l'a fait sursauter, en s'interrogeant sur les sommes réservées aux artistes francophones par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), qui relève de son ministère.

Lors de l'étude des crédits à la culture, M. Blanchet, critique de l'opposition en ce domaine, s'étonnait en fait de constater qu'à peine un peu plus de la moitié (53 pour cent) du budget de la SODEC consacré à soutenir les tournées hors Québec était destiné aux artistes francophones.

Horrifiée, la ministre St-Pierre y a vu une nouvelle manifestation d'intolérance péquiste.

«Je suis tombée en bas de ma chaise», a-t-elle lancé, réaffirmant qu'il ne revenait pas à l'État d'intervenir dans les choix linguistiques des artistes.