Le Directeur général des élections (DGE) du Québec, Me Marcel Blanchet, a annoncé sa démission jeudi, quelques jours seulement après avoir subi les foudres de membres du gouvernement sur sa refonte de la carte électorale.

Blessé, Me Blanchet s'est dit la victime d'une «attaque tout à fait injustifiée» de la part, entre autres, de la vice-première ministre Nathalie Normandeau. Il a confirmé à La Presse que cet incident l'avait «conforté» dans sa décision de prendre sa retraite le 31 décembre.

«Ma décision de donner ma démission était déjà prise. Mais ce n'est pas ce qui est arrivé qui m'a fait changer d'idée, bien au contraire. Ça m'a conforté», a ajouté Me Blanchet. «Ça a été très blessant. Vraiment, je ne m'attendais pas à une attaque comme ça qui était tout à fait injustifiée à l'égard de l'institution et de l'équipe qui a travaillé très sérieusement et rigoureusement sur cette question-là.»

La semaine dernière, Me Blanchet se trouvait en commission parlementaire pour entendre les élus sur sa refonte de la carte électorale. Dans une sortie d'une rare virulence à l'endroit du DGE, Nathalie Normandeau avait affirmé que ce projet est un «cuisant échec pour l'institution qu'est le Directeur général des élections». «C'est au fondement même de notre démocratie que l'on s'attaque», ajoutait-elle en faisant référence au DGE. La nouvelle carte fait disparaître trois circonscriptions rurales peu densément peuplées pour en créer trois autres en périphérie de Montréal, là où la croissance démographique l'exige.

Marcel Blanchet expliquait que ces changements sont nécessaires «sur le plan juridique et constitutionnel». Mais dans une remarque étonnante, Nathalie Normandeau avait affirmé qu'«il faut aller au-delà du fameux jugement de la Cour suprême» sur la question. La ministre ajoutait même que la loi électorale votée par l'Assemblée nationale contient des «contradictions».

De son côté, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, se disait carrément «trahi» par le DGE. Même si le PQ appuyait Me Blanchet, quelques députés péquistes étaient en désaccord avec la position de leur chef. La députée de Matapédia, Danielle Doyer, disait à Me Blanchet que la nouvelle carte électorale est «une médecine de cheval qui finira par tuer nos régions».

Pour l'opposition, le départ du DGE est lié à l'«attaque» de membres du gouvernement contre lui, geste sur lequel le premier ministre ne peut fermer les yeux. Interrogé en Chambre, Jean Charest a affirmé qu'il n'a «aucun reproche à formuler» à Mme Normandeau ou M. Lessard. Il a cité la lettre de démission de Me Blanchet dans laquelle celui-ci «remercie tous les parlementaires pour la confiance» qu'ils lui ont témoignée.

Marcel Blanchet songeait à prendre sa retraite depuis un an. Notons que le mandat du DGE est de sept ans. Celui de Me Blanchet était donc échu depuis 2007.

Si Me Blanchet a annoncé sa décision maintenant, trois mois avant son départ, «c'est pour donner un préavis aux parlementaires afin de trouver un successeur», a-t-il expliqué. D'ici la fin de l'année, il compte adopter la nouvelle carte électorale, un dossier qui lui tient à coeur et qu'il voulait régler avant son départ.

Les derniers mois ont été chargés pour le DGE; et les dossiers, délicats. En plus du travail lié à la carte électorale, il a fait des vérifications auprès de trois ministres du gouvernement au sujet du financement du PLQ et étudié des allégations concernant l'utilisation de prête-noms par des firmes de génie-conseil - Axor a reconnu sa culpabilité à 40 infractions à la loi électorale. Il a envoyé une assignation à comparaître à l'ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, afin de faire la lumière sur ses allégations concernant le financement du PLQ. Me Bellemare l'a contestée en vain devant les tribunaux, remettant en question l'intégrité du DGE.