Les vacances de Justin Trudeau sur l'île privée de l'Aga Khan ainsi que son voyage à bord d'un hélicoptère privé pour s'y rendre feront l'objet d'une enquête de la commissaire fédérale à l'éthique.

La commissaire Mary Dawson a écrit dans une lettre au député conservateur Blaine Calkins qu'elle accédait à sa demande d'enquête.

Le premier ministre s'est rendu sur l'île du chef spirituel des musulmans ismaéliens pour les vacances des Fêtes. Il était accompagné de sa famille, mais aussi du député libéral Seamus O'Regan et de la présidente du parti, Anna Gainey.

M. Trudeau s'est d'abord rendu à Nassau dans un avion du gouvernement comme cela est la coutume, puis il est monté à bord de l'hélicoptère privé de l'Aga Khan pour atteindre son île privée des Bahamas.

Son séjour a soulevé de nombreuses critiques, contre lesquelles M. Trudeau s'est toujours défendu en affirmant que l'Aga Khan est un ami de longue date de la famille et qu'il avait même porté le cercueil de son père lors de ses funérailles.

Alors qu'il sous-entendait vendredi ne pas avoir eu d'échos de la population à propos de ce voyage aux Bahamas, le premier ministre s'est ravisé lors d'une entrevue à une radio d'Halifax, lundi.

« J'ai entendu, de la part d'un certain nombre de personnes à travers le pays, qu'ils sont préoccupés à cet égard, a-t-il concédé. Et c'est pourquoi je prends cela très au sérieux et que je suis heureux de répondre à toutes les questions que la commissaire à l'éthique et d'autres pourraient avoir. »

Enquête lancée

Dans sa lettre datée du 13 janvier dernier, Mme Dawson note que la requête du député Blaine Calkins répond aux exigences nécessaires pour l'ouverture d'une enquête.

« J'ai donc commencé un examen en vertu de la sous-section 44 (3) de la Loi [sur les conflits d'intérêts] pour déterminer si M. Trudeau a contrevenu aux sections 11 et 12 de la Loi, en lien avec son voyage et séjour sur l'île privée de l'Aga Khan », a-t-elle spécifié.

Selon la section 11 de la Loi, « il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d'accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d'une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles ».

La loi prévoit toutefois des exceptions à cette règle, notamment si le cadeau « provient d'un parent ou d'un ami ».

Quant à la section 12, elle interdit notamment aux membres du cabinet « de voyager à bord d'avions non commerciaux nolisés ou privés pour quelque raison que ce soit, sauf si leurs fonctions de titulaire de charge publique l'exigent ou sauf dans des circonstances exceptionnelles ou avec l'approbation préalable du commissaire ».

La commissaire examinera également le voyage sous l'angle des dispositions de la loi touchant les conflits d'intérêts dans la prise de décision et le devoir de récusation.

Lors du dépôt de la plainte à la commissaire la semaine dernière, M. Trudeau a assuré qu'il était prêt à répondre à toute question de Mme Dawson au sujet de ce voyage.

L'affaire devrait à nouveau rebondir au cours de sa tournée pancanadienne, qui se poursuit lundi en Nouvelle-Écosse.

Ce n'est pas la première fois qu'un premier ministre fait l'objet d'une enquête d'un commissaire à l'éthique. En 2010, Mme Dawson avait ouvert une enquête sur Stephen Harper ainsi que plusieurs ministres au sujet d'allégations de partisanerie dans les publicités gouvernementales. Les libéraux s'indignaient alors des publicités du gouvernement qui reprenaient les couleurs du Parti conservateur du Canada (PCC). Mme Dawson avait toutefois interrompu l'enquête, en concluant que le Parti conservateur n'était pas une « personne » au sens de la loi.

À son entrée en poste, M. Harper avait aussi fait l'objet d'une enquête du commissaire de l'époque, Bernard Shapiro, sur le passage du libéral David Emerson au gouvernement conservateur. MM. Harper et Emerson avaient tous deux été blanchis en 2006.