Justin Trudeau est accusé par les partis de l'opposition d'avoir été physiquement agressif à la Chambre des communes mercredi et d'avoir heurté la députée du NPD Ruth Ellen Brosseau dans un accès de frustration au terme d'une semaine difficile entre les partis au Parlement.

Le président de la Chambre des communes a reconnu qu'il y avait à première vue une question d'atteinte au privilège parlementaire, puisque Mme Brosseau affirme que la douleur et la stupeur causées par le comportement du premier ministre l'ont empêchée de voter sur une motion mise aux voix à la Chambre.

La question pourrait donc être étudiée par le comité permanent de la procédure de la Chambre des communes, devant lequel le premier ministre pourrait être appelé à témoigner.

Sur une vidéo de la scène, on peut voir M. Trudeau impatient de procéder au vote, et qui traverse le parquet de la Chambre des communes pour saisir le bras du whip du Parti conservateur, Gord Brown, pour le conduire à son siège. Au passage, il a heurté du coude Ruth Ellen Brosseau, provoquant une expression de douleur chez la députée de Berthier - Maskinongé.

Mme Brosseau s'est retirée dans l'antichambre et n'a pas participé au vote.

Le NPD et le Parti conservateur ont bondi d'indignation et soulevé cette question de privilège, soulignant qu'un tel comportement est indigne de la fonction de premier ministre et représente un clair accroc au privilège parlementaire, puisqu'une députée a été intimidée et n'a pu exercer ses fonctions.

Le premier ministre s'est excusé de son comportement, et le député libéral Greg Fergus a accusé l'opposition d'exagérer.

Trudeau et Mulcair nez à nez

L'incident a fait monter les tensions avec le chef du NPD, Thomas Mulcair, et des députés ont dû s'interposer entre lui et le premier ministre, qui se sont retrouvés nez à nez - vraisemblablement pour éviter un affrontement physique. « Les choses dégénèrent en Chambre. Il y a failli avoir une altercation physique entre Mulcair et Trudeau », a écrit sur Twitter la chef du Parti vert, Elizabeth May. 

L'ancien leader du gouvernement conservateur à la Chambre des communes, Peter Van Loan, a dit avoir « été témoin qu'il a traversé le parquet, avec de la rage dans les yeux et le visage ». C'est lui qui a soulevé la question de privilège. 

Ruth Ellen Brosseau a quant à elle expliqué que « je me tenais au centre, je parlais à des collègues. J'ai reçu un coup de coude dans la poitrine par le premier ministre. Et j'ai dû quitter la Chambre. C'était très bouleversant. Alors j'ai quitté la Chambre pour aller m'asseoir dans l'antichambre. J'ai manqué le vote à cause de cela. Je voulais que ce soit clair pour tous les députés ce qui est arrivé ».

Justin Trudeau a présenté ses excuses personnelles à Mme Brosseau pour son comportement et ses actions. Il a tenté de s'expliquer, tandis que les députés de l'opposition enterraient sa voix en poussant des cris de protestation. « J'ai noté que le whip de l'opposition était limité dans ses mouvements alors j'ai décidé de l'aider personnellement à avancer, ce qui était, je le vois maintenant, un geste peu recommandable, et qui a résulté en un contact physique dans la Chambre qui, nous pouvons tous en convenir, était inacceptable. Et je m'excuse sans réserve ».

Semaine tendue

L'incident est survenu alors que les députés s'apprêtaient à voter sur une motion du gouvernement qui limite le temps de débats sur le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir. Ottawa n'a que jusqu'au 6 juin pour adopter ce projet en vertu des délais imposés par la Cour suprême du Canada.

Plus tôt dans la journée, les libéraux ont fait savoir qu'ils jonglent avec l'idée de modifier les règles de la Chambre des communes afin de s'arroger le pouvoir de limiter les débats, la tenue de votes-surprises provoqués par les partis de l'opposition et décider unilatéralement de la fin des travaux parlementaires.

Ces changements ont été évoqués deux jours après que le gouvernement Trudeau, majoritaire aux Communes, fut venu à un cheveu de perdre un vote sur le projet de loi C-10 qui allège les conditions d'opération d'Air Canada.

La réaction du gouvernement a cependant soulevé l'ire du Parti conservateur et du NPD, qui voient là une manoeuvre visant à étouffer les débats démocratiques alors que des enjeux de société importants tels que l'aide médicale à mourir sont débattus au Parlement.

Elizabeth May a d'ailleurs souligné en Chambre, mercredi soir, que bien que le geste de M. Trudeau était inadmissible, il fallait garder les choses en perspective et qu'il y avait des « manigances » pour tenter de retarder le vote.

- Avec La Presse Canadienne