Les premiers ministres des provinces promettent de talonner le gouvernement Harper jusqu'aux élections d'octobre afin d'arracher de nouveaux investissements pour financer des projets d'infrastructures. De tels investissements permettraient de donner du tonus à l'économie canadienne, qui montre des signes de ralentissement inquiétants dans la foulée de la chute brutale des prix du pétrole, ont affirmé hier les leaders provinciaux.

Les autres partis politiques qui aspirent à prendre le pouvoir seront soumis aux mêmes pressions en cette année électorale, ont-ils aussi affirmé.

Réunis à Ottawa hier dans le cadre du Conseil de la fédération, les premiers ministres ont fait peu de cas du refus net qu'a opposé le ministre des Finances Joe Oliver à leur requête de nouveaux investissements, à peine deux heures après le début officiel de leur rencontre.

« Il est clair que cette question va faire partie des discussions entourant la prochaine campagne fédérale», a laissé tomber le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, à l'issue de la réunion du Conseil de la fédération.

Dans un communiqué de presse, M. Oliver a soutenu que le gouvernement Harper a largement contribué à retaper et moderniser les routes et les ponts du pays depuis son arrivée au pouvoir. Il a fait valoir que le choc pétrolier contraint Ottawa à la plus grande prudence quant à la gestion des finances publiques.

«Nous avons lancé le programme fédéral d'infrastructure le plus long et le plus important de l'histoire canadienne, plus de 75 milliards de dollars sur les dix prochaines années.  Cependant, les partis de l'opposition et certains premiers ministres provinciaux semblent inconscients des conséquences de l'instabilité mondiale actuelle et de la baisse spectaculaire du prix du pétrole », a affirmé M. Oliver.

« Le moment ne pourrait être pire pour lancer un programme de déficit massif qui minerait la confiance des investisseurs, éroderait notre cote de crédit, affaiblirait notre capacité à résister à de nouveaux chocs internationaux, ajouterait à notre dette, réduirait notre capacité à soutenir les programmes sociaux et multiplierait le fardeau que nous laissons à nos enfants en raison de ces dépenses », a-t-il ajouté.

Mais selon M. Couillard, le gouvernement Harper se met la tête dans le sable en refusant d'envisager une accélération des investissements dans les infrastructures stratégiques.

« Il est clair que dans le climat économique actuel, l'accélération des investissements dans les infrastructures est une décision de politique de grande qualité. Je ne comprends pas que le gouvernement fédéral ne réponde pas rapidement à cette demande, qui est uniquement logique, raisonnable, basée sur des chiffres, basée sur des standards internationaux et qui vise à faire travailler les Canadiens et les Québécois pour améliorer notre compétitivité», a affirmé M. Couillard.    

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, qui presse Ottawa d'investir 5% du PIB dans les infrastructures par année, l'équivalent de 30 milliards de dollars, s'est montrée plus cinglante encore.

« Ce ne sont pas les premiers ministres des provinces qui font preuve d'insouciance, mais bien le gouvernement fédéral qui refuse d'entendre les voix exprimées à cette table », a dit Mme Wynne.

M. Couillard et son homologue de l'Ile-du-Prince-Edouard, Robert Ghiz, ont fait allusion à une présentation faite en matinée par l'ancien greffier du Conseil privé, Kevin Lynch, aujourd'hui à la BMO, selon laquelle les gouvernements devraient accélérer les investissements dans les infrastructures pour contrer les effets du choc pétrolier. Selon M. Ghiz, M. Lynch a invité les gouvernements «  à se concentrer sur le long terme, et non pas le court terme » en misant sur les infrastructures stratégiques.

Durant la rencontre, les leaders des provinces ont aussi discuté de la lutte aux changements climatiques, de l'élaboration d'une stratégie canadienne en énergie, et de la lutte au terrorisme, entre autres.

Sur la question des changements climatiques, les premiers ministres se sont donné rendez-vous au sommet de Québec qui doit avoir lieu au printemps. « Ce sera l'occasion de partager nos meilleures pratiques (pour réduire les émissions de GES) et d'en faire une compilation en prévision de la Conférence de Paris en décembre », a dit M. Ghiz.

Le premier ministre Stephen Harper a décliné l'invitation de ses homologues de participer aux délibérations.