Les milliards de dollars qui finissent l'année financière dans les coffres des ministères fédéraux sont le reflet d'une saine gestion, estime celui qui tient les cordons de la bourse.

Selon le président du Conseil du Trésor, Tony Clement, ce n'est pas parce que les ministères reçoivent chaque année des crédits budgétaires spécifiques qu'ils doivent nécessairement dépenser toutes ces sommes.

«Lorsque ces crédits sont alloués par le Conseil du Trésor (...), le gouvernement fixe des cibles. Et selon moi, si les ministères peuvent atteindre ces cibles gouvernementales à moindres coûts pour les contribuables, c'est généralement une bonne chose», a-t-il soutenu dans une entrevue de fin d'année accordée à La Presse Canadienne.

En vertu des politiques publiques du gouvernement fédéral, toute somme qui n'est pas utilisée par un ministère ou une agence à la fin de l'année financière, en mars, doit être remise au trésor. Le ministère peut cependant conserver deux pour cent de ces surplus pour les reporter à son budget de l'année suivante.

Par le passé, les ministères s'empressaient de dépenser leurs surplus avant la fin de l'année - phénomène appelé «la folie du mois de mars» dans la fonction publique. «J'ai réussi à éliminer (cette pratique) du système, c'est pourquoi on voit aujourd'hui des crédits inutilisés», s'est félicité le ministre Clement. «Pour moi, ces surplus sont le résultat d'une saine gestion - pas l'inverse.»

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique pour le Conseil du Trésor, Mathieu Ravignat, rétorque que le gouvernement conservateur a mis en place des primes au rendement pour les fonctionnaires qui ne dépensent pas tous leurs crédits. «Pourquoi allouer des budgets à un ministère ou un ministre, pour ensuite leur dire qu'ils seront récompensés s'ils ne dépensent pas ces sommes?», demande le député de Pontiac.

1,1 milliard $ aux anciens combattants

L'an dernier, 7,2 milliards $ en crédits budgétaires inutilisés ont été retournés au trésor public, en provenance de la plupart des ministères. Ces sommes ont été retournées même si les ministères devaient composer avec les mesures d'austérité budgétaire imposées en 2012 par le gouvernement conservateur pour atteindre le déficit zéro après des années de coûteuses mesures de relance économique.

Par exemple, à la Gendarmerie royale du Canada, les surplus sont attribués directement aux efforts pour atteindre les cibles budgétaires fixées par le gouvernement. Aux Affaires étrangères, plus de 25 millions $ destinés à des projets de développement international sont restés dans les coffres du ministère, faute d'autorisation.

Dans le dossier plus controversé des anciens combattants, 1,1 milliard $ de crédits ont été inutilisés depuis sept ans. Les associations de vétérans dénoncent ces «économies de bouts de chandelles réalisées sur leur dos».

Mais le ministre Clement soutient que ces surplus - et les remboursements qui suivent - sont le résultat d'une saine gestion. «Si un ministère a besoin de moins d'argent, c'est que la demande pour un programme est moins grande, pour une raison ou pour une autre - démographie, meilleure santé économique...»

Pour le député Ravignat, cependant, ces crédits inutilisés sont le résultat d'une mauvaise gestion des conservateurs. «S'ils identifiaient précisément et clairement les besoins, et y allouaient les sommes appropriées, alors, en théorie, il n'y aurait pas de remboursements» à la fin de l'année, a-t-il estimé.

Le président du Conseil du Trésor rejette par ailleurs les accusations selon lesquelles le gouvernement conservateur utilise ces crédits inutilisés pour atteindre le déficit zéro - voire un surplus budgétaire. «Nous ne croyons pas que l'on puisse atteindre l'équilibre budgétaire grâce à une supercherie financière», a-t-il dit.